Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 41
Le jeudi 30 mars 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE
DES QUESTIONS
- Les
ressources naturelles
- La liquidation de la Société de développement du Cap-Breton-La proposition d'un groupe local visant à acquérir la mine Donkin
- La liquidation de la Société de développement du Cap-Breton-La possibilité pour le nouvel exploitant d'offrir en concurrence du charbon importé des États-Unis
- La liquidation de la Société de développement du Cap-Breton
- L'agriculture et l'agroalimentaire
- Les affaires étrangères
- Les droits de la personne
- Les ressources naturelles
- La sanction royale
- Les
ressources naturelles
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le jeudi 30 mars 2000
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.Prière.
[Traduction]
L'honorable Ron Ghitter, C.R.
Hommages à l'occasion de son départ
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, il n'est jamais agréable de faire nos adieux à un collègue qui a atteint l'âge de la retraite obligatoire, mais nous pouvons tous nous préparer à cela. Toutefois, quand un collègue décide de quitter cet endroit volontairement, et sans préavis ou presque, nous ressentons sa perte encore plus profondément. C'est particulièrement vrai dans le cas du sénateur Ghitter, dont la démission entre en vigueur demain.J'ai rencontré Ron pour la première fois en 1976, alors que nous appuyions le même candidat à la direction de notre parti. J'ai tout de suite été frappé par son enthousiasme et son dévouement - qualités qui ont entre autres profité au Parlement pendant sept ans presque jour pour jour puisqu'il a été nommé le 25 mars 1993.
Ron Ghitter a apporté avec lui son expérience et sa connaissance du droit, des affaires et de la politique en tant qu'ancien député de l'Assemblée législative de l'Alberta. Il a aussi apporté un vif engagement à l'égard des droits de la personne, qui lui a valu de prestigieuses récompenses de la part du Conseil canadien des chrétiens et des juifs et de l'Alberta Human Rights Commission.
Ron est reconnu de tous les côtés du Sénat pour sa clarté de pensée et la force de son argumentation. Sa participation aux comités a été mise en relief par le rôle très productif et très efficace qu'il a joué en tant que président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
Ron a joué un rôle particulièrement précieux au sein du caucus et tous ses collègues regretteront ses profondes interventions. Sa loyauté et son appui me manqueront. Même en cas de désaccord, son engagement envers la direction et ses collègues l'emportait. Plus d'un commentateur en Alberta a rendu hommage aux qualités de Ron et demandé qu'on ne les oublie pas lorsqu'on décidera de son successeur, ce qui confirme que la stature et le mérite de notre collègue sont appréciés même dans cette province, qui est pourtant la plus critique à l'égard du Sénat en tant qu'institution.
Honorables sénateurs, je ne peux pas terminer sans parler de Myrna, la femme de Ron, qui se trouve dans les tribunes et qui l'a tellement soutenu dans ses activités au Sénat. Je la remercie d'avoir partagé Ron avec nous. Bien que nous déplorions la décision de ce dernier et que nous l'acceptions à contrecoeur, nous le comprenons.
Merci, Ron, de ces sept dernières années. Puissiez-vous, Myrna et vous, vivre ensemble de nombreuses années heureuses et actives. Étant donné que vous vous préparez à nous quitter maintenant, sachez que vous partez avec toute notre appréciation et notre affection.
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, un homme d'État est quelqu'un qui peut travailler sur des objectifs à long terme qui finiront par s'avérer utiles dans des situations encore imprévues. C'est exactement ce qu'a fait mon collègue et ami du Barreau de l'Alberta, le sénateur Ron Ghitter, dans sa vie publique et privée, et ce qu'il en est venu à représenter.
Le sénateur Ghitter est devenu la personne qu'il est aujourd'hui grâce à ses nombreux efforts fructueux. Il a gagné le respect des avocats de l'Alberta pour sa compétence, en particulier dans le domaine du droit foncier et de l'urbanisme.
Honorables sénateurs, le sénateur Ghitter n'a jamais laissé ses intérêts professionnels ou les affaires l'emporter sur ses préoccupations humanitaires. Il est très respecté en raison de son travail remarquable pour défendre les droits de la personne, comme l'a indiqué le sénateur Lynch-Staunton. Ses efforts dans ce domaine lui ont valu de nombreuses distinctions et marques de reconnaissance, dont le Alberta Human Rights Award. Les principes sont plus importants pour le sénateur Ghitter que la politique. Je me rappelle son travail avec la Dignity Foundation, qu'il a fondée. De temps en temps, ce travail l'a fait entrer en conflit avec certains de ses anciens collègues du caucus du Parti progressiste-conservateur.
Je suppose, honorables sénateurs, que nous nous rappelons tous avoir travaillé avec le sénateur Ghitter, un politicien qui a réussi. Il a été élu deux fois à l'Assemblée législative de l'Alberta, s'imposant comme un si bon député provincial qu'il a fait le pari plausible de devenir chef de son parti.
(1410)
Le sénateur Ghitter a mis toutes ses aptitudes à contribution dans cette Chambre. Il a toujours été très efficace dans les comités. Je suis d'ailleurs persuadé que mes collègues de ce côté-ci de la Chambre pensaient souvent qu'il l'était trop. Je repense à l'époque où il était président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, et aux problèmes qu'a soulevés l'étude du projet de loi sur la protection de l'environnement. Le sénateur Ghitter a bien fait son travail, prouvant son sens politique en exerçant des pressions sur un bon nombre de libéraux et s'unissant en cours de route à madame le sénateur Spivak pour établir ses lettres de noblesse «vertes».
Lorsque le sénateur Ghitter nous a fait savoir récemment qu'il allait prendre sa retraite, ma province, l'Alberta, a été émue. Le Calgary Herald a souligné combien le sénateur Ghitter allait nous manquer, précisant toutefois que nous devions respecter sa décision de partir pour entreprendre de nouveaux projets. Les aptitudes du sénateur Ghitter, ainsi que la compassion, la prudence et l'équilibre dont il sait bien faire preuve sont des qualités qui sont de plus en plus rares dans notre province. Ceux qui critiquent ces vertus le font non pas parce qu'ils sont plus vertueux, bien au contraire. Ce sont les précurseurs d'un nouveau règne politique de malotrus, un règne contre lequel le sénateur Ghitter s'est battu et à l'occasion duquel il révèle une grande maîtrise de l'art de gouverner parce que sa carrière nous l'a présenté de façon tout à fait inattendue comme un adversaire redoutable, mais courtois, ce que bon nombre de politiciens en herbe dans plusieurs de nos provinces ne comprennent pas.
Sénateur Ghitter, il est tout à votre honneur que votre province regrette déjà votre absence de la vie publique et, plus important encore, que votre départ représente la perte d'une contribution importante et significative à une meilleure administration du pays.
Honorables sénateurs, je profite de l'occasion pour remercier notre collègue de tout ce qu'il a fait et de ce qu'il représente pour nous. Je me joins au sénateur Lynch-Staunton pour remercier Myrna de sa patience et de son indulgence, qui ont permis à Ron d'apporter une aussi importante contribution à la vie publique.
L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, je voudrais ajouter aux hommages à mon bon ami, le sénateur Ghitter. Comme vous pouvez imaginer, ce n'est pas un grand jour pour moi-même ou mes collègues de ce côté-ci du Sénat. J'irais même jusqu'à dire qu'en cette journée, le Sénat perd un de ses membres les plus compétents et les plus appréciés.
Comme mes collègues vont rappeler des réalisations du sénateur Ghitter ici, dans la vie privée et à l'Assemblée législative de l'Alberta, je n'ai pas à m'étendre longuement là-dessus.
Je vais m'arrêter sur deux aspects de la personnalité de mon ami qui vont me manquer le plus: la valeur du sénateur Ghitter pour notre caucus et son courage lorsqu'il s'agit de parler de questions dans lesquelles il croit vraiment.
En tant que président du caucus progressiste-conservateur au Sénat, je pouvais toujours compter sur le sénateur Ghitter pour présenter de façon plus claire les questions dont nous étions saisis. Il était en mesure d'expliquer les questions et sa position sur des questions en des termes que nous pouvions tous comprendre et, dans la plupart des cas, appuyer.
Le sénateur Ghitter est un contraste intéressant - c'est un grand défenseur des droits des minorités, surtout les plus défavorisés de la société, qui croit en même temps dans une forme compatissante de conservatisme financier. Cette double personnalité et façon de penser lui a permis de contribuer de façon utile aux discussions sur les mesures législatives et les politiques. Parfois, on lui a soumis des questions difficiles afin qu'il y réfléchisse et que nous puissions profiter de ses points de vue venant de sa double personnalité. Lorsqu'il exprimait ses points de vue, nous n'avions pas vraiment besoin d'obtenir d'autres points de vue. Nous savions que Ron avait examiné tous les points de vue possibles avant de nous faire profiter de sa sagesse.
Le sénateur Ghitter était un sénateur sur lequel je pouvais compter, en tant que président, pour aider à lancer un débat au caucus et y mettre fin. Son courage, lorsqu'il s'agissait de parler des questions qui semblaient peut-être impopulaires à l'époque, est surtout apparu lorsqu'au beau milieu des coupes sombres effectuées par le premier ministre Klein, il s'est lancé dans une série de conférences et d'assemblées publiques sur la nécessité de réagir, durant lesquelles il se demandait à qui profitait la situation en Alberta.
Ces conférences remettaient en question l'importance des compressions du gouvernement de l'Alberta et la rapidité avec laquelle il procédait, ainsi que leurs répercussions sur les éléments les plus vulnérables de la société albertaine. Le sénateur Ghitter croyait que les assistés sociaux, les petits salariés, ceux qui avaient besoin de logements à loyer indexé sur le revenu, les aînés et les malades payaient un prix extraordinairement élevé pour les excès des gouvernements précédents.
Voici un extrait d'une de ces conférences du sénateur Ghitter qui, à mon avis, résume sa philosophie du gouvernement et les raisons pour lesquelles il nous manquera tant.
Le bon gouvernement doit toujours trouver et maintenir l'équilibre, un objectif difficile à atteindre pendant les périodes de grands changements. Toutefois, il incombera toujours à un gouvernement démocratique de le faire. Cela, au moins, ne changera jamais. Le gouvernement doit aussi, d'une façon ou d'une autre, trouver le courage de faire l'équilibre entre son bref présent et le poids de l'avenir, de faire ce qu'il peut et ce qu'il doit faire pour que tous, et non uniquement quelques privilégiés, puissent bénéficier des possibilités qu'il recèle.
Honorables sénateurs, l'histoire retiendra que les politiques du gouvernement de l'Alberta ont été modifiées afin de venir en aide à ceux auxquels elles avaient auparavant porté préjudice. Ce changement est nul doute attribuable à des interventions opportunes comme celles du sénateur Ghitter.
Ron, je vais m'ennuyer de vous, de vos conseils, de votre humour, du rôle crucial que vous jouez au sein de notre caucus, de nos repas et de nos voyages. Je vous souhaite, à Myrna et à vous, la meilleure chance possible au moment où vous vous apprêtez à trouver de nouveaux univers à conquérir.
L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, au moment où mon ami et collègue, le sénateur Ghitter, s'apprête à nous quitter, je tiens à le féliciter pour ses sept années de service actif au sein du Sénat et à lui donner l'assurance que la passion qu'il manifeste à l'égard des causes humaines et que les préoccupations qu'il a exprimées au sujet de l'avenir de cette institution ne seront pas oubliées.
Le sénateur Ghitter et moi sommes amis, même si nous sommes des adversaires politiques depuis de nombreuses années. Nous sommes amis depuis les années 50, époque à laquelle nous étions étudiants à l'Université de l'Alberta. Il voulait devenir avocat et moi, journaliste. Il prenait une part très active à la vie du campus. Ron était et est toujours très drôle, et nous sommes demeurés en contact pendant ces nombreuses années, non seulement en raison de la politique, mais aussi à cause d'autres questions d'intérêt mutuel.
Comme d'autres l'ont dit, et je tiens à le souligner, en Alberta, le nom «Ron Ghitter» est synonyme de défense des droits humains et civils de tous les citoyens, et particulièrement des gens les plus vulnérables, ainsi que de sollicitude à leur égard, qu'il s'agisse de questions liées à la race, au sexe ou à l'orientation sexuelle et de la discrimination qui s'y rattache, de la violence dans la collectivité contre les femmes et les enfants ainsi que de l'égalité devant la loi. Le sénateur Ghitter a parlé avec éloquence dans certaines des situations les plus difficiles, à des moments où l'attitude la plus facile, sur le plan personnel ou politique, aurait été de demeurer muet.
Tout récemment, le sénateur Ghitter a fondé et coprésidé un groupe de défense des droits de la personne appelé Dignity Foundation, en Alberta. Pour tout cela, non seulement il a fait l'objet de vives critiques au fil des ans, mais il a également reçu, comme d'autres collègues l'ont remarqué, de nombreux témoignages d'admiration et de reconnaissance, des prix décernés par des organisations prestigieuses et fort respectées, comme le Conseil canadien des chrétiens et des juifs et la Commission des droits de la personne de l'Alberta.
Au cours de sa carrière politique, le sénateur Ghitter a siégé pendant deux mandats à l'Assemblée législative de l'Alberta, au cours des années 70. À un certain moment, l'ancien premier ministre Peter Lougheed avait une majorité tellement écrasante de députés qu'il a choisi parmi eux un petit groupe destiné à servir officieusement d'avocats du diable au sein de son gouvernement. Bien sûr, Ron était du nombre. Parfois, leur travail était si excellent qu'ils étaient considérés avec intérêt par des députés d'autres partis politiques, mais pas toujours par leurs propres collègues. Il a fallu beaucoup de courage et de cran pour assumer cette responsabilité, et j'ai toujours aimé Ron de l'avoir fait.
(1420)
Il s'est présenté à la direction de son parti après le départ de M. Lougheed. Lorsque son projet a échoué, il s'est concentré sur le droit et les affaires et sur la vie animée de sa chère ville, Calgary. La santé du Parti progressiste-conservateur, tant sur la scène provinciale que sur la scène nationale, n'a jamais cessé d'être une grande préoccupation pour notre collègue, et je sais qu'elle continuera de l'être jusqu'à son dernier souffle.
En tant qu'adversaire, sous les dehors d'une personne éloquente, intelligente et remplie de bonhomie se cache un des hommes les plus redoutables qu'on puisse rencontrer. En dépit des batailles qu'il a livrées, je ne doute pas un seul instant qu'il rêve toujours d'un avenir prometteur pour les citoyens de sa ville, de sa province et de son pays.
Ici, au Sénat, il a mis ses intérêts et son expérience au service des comités qui ont été mentionnés, à savoir le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, et le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qu'il a présidé pendant trois ans, soit de 1996 à 1999.
Il en est venu à se préoccuper du Sénat, mais il éprouve de vives inquiétudes sur la viabilité de celui-ci dans sa forme actuelle, inquiétudes qu'il a exprimées dans une excellente allocution qu'il a prononcée en février 1998. Il nous a tous mis au défi de vraiment collaborer à changer les choses, tant au plan constitutionnel qu'interne. J'ai relu son discours ce matin et j'en approuve une grande partie. J'espère que nous qui restons aurons la volonté de créer l'occasion de faire valoir l'opportunité de ces changements dans les mois et les années à venir.
Ron s'en va maintenant réénergiser une nouvelle étape de sa vie. Il lui reste encore une longue route à faire dans la ville qu'il adore, avec la femme qu'il adore, Myrna. Je dois vous dire, honorables sénateurs, que Ron et Myrna forment une équipe très active et très populaire dans leur communauté. Je leur souhaite de passer du bon temps et d'être heureux pendant encore de nombreuses années.
Je sais, Ron, que vous serez toujours aux premiers rangs de la bataille malheureusement interminable de l'égalité des droits des Canadiens, où qu'ils vivent. Vous avez été un atout pour le Sénat et je suis très impatiente de collaborer avec vous à certaines de ces causes; j'espère que nous serons toujours amis.
L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, je tiens à ajouter un mot de respect et d'amitié aux merveilleux propos que des sénateurs ont déjà tenus à l'égard de Ron Ghitter.
J'ai connu Ron à l'automne de 1975, à Calgary, lorsque nous avons collaboré pendant quelques mois à la première campagne à la direction du très honorable Brian Mulroney. J'ai tout de suite vu en Ron un homme intègre, au grand talent et au jugement sûr. J'ai découvert que non seulement il était plein d'esprit, mais qu'on pouvait toujours compter sur lui dans les moments difficiles comme en toutes circonstances.
Entre 1976 et 1993, malgré des contacts sporadiques, nous nous sommes rarement vus. Puis, lorsque nous avons eu la chance d'être tous deux appelés au Sénat en 1993, nous avons recommencé à nous voir. L'amitié que nous avions ressentie spontanément l'un pour l'autre s'est animée et je vous avoue, honorables sénateurs, que le jour le plus triste depuis mon accession au Sénat fut celui où j'ai reçu de Ron une lettre, datée du 17 février, dans laquelle il m'informait de sa démission, qui entrait en vigueur dès le lendemain. J'en ai eu les larmes aux yeux. Je suis allé voir Ron, mais malgré tous mes efforts, je n'ai pas réussi à le faire changer d'idée. Il sera difficile de se passer de vous, Ron.
Ron a été nommé au Sénat en mars 1993 et moi, en juin de la même année. Un après-midi, je l'ai rencontré au Centre des congrès d'Ottawa. Mon assermentation devait avoir lieu le lendemain. Je lui ai fait part de certaines inquiétudes en raison de l'image du Sénat et de la très mauvaise publicité dont il faisait alors l'objet. J'ai demandé à Ron ce qu'il en pensait, et il m'a servi de guide pour une visite. Pendant quatre heures, nous avons fait le tour de la ville, nous avons visité le Sénat et ses dépendances et assisté à diverses activités. Pendant tout ce temps, il m'a fait part d'impressions positives. Il disait que malgré les critiques dont le Sénat faisait l'objet, il s'agissait d'une institution très valable où on pouvait et devrait faire de l'excellent travail et oeuvrer au mieux-être de tous les Canadiens. Depuis ce jour, je n'ai jamais mis en doute l'opinion exprimée par Ron et je n'ai jamais regretté de siéger au Sénat.
Chaque fois que j'avais un problème ou des doutes, je faisais appel au bon jugement de Ron, et il ne m'a jamais déçu. Comme le disait le sénateur Fairbairn, Ron est un dur, mais il n'a pas peur des mots. Quand il vous regarde dans les yeux, un petit sourire en coin, vous savez à quoi vous en tenir. Je ne puis imaginer un meilleur collègue, un ami plus loyal ou une personne plus sincère.
Ron et Myrna ont eu l'amabilité de nous inviter dans leur charmante demeure, à Calgary. Ron écrivait dans sa lettre, que je relisais aujourd'hui: «Si vous passez par Calgary et que vous avez un moment libre, Myrna et moi serons toujours heureux de vous accueillir.» Qu'il sache que j'accepte son invitation et qu'il pourrait me voir arriver plus tôt qu'il ne le pense.
Ron, vous me manquerez vraiment et je vous souhaite bon succès dans toutes vos entreprises. Bonne chance à vous deux.
L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, je voudrais me joindre à mes collègues pour faire, à regret, mais sincèrement, mes adieux au sénateur Ghitter. Il était un membre très respecté et estimé de notre caucus. Comme vous le savez, il a servi avec distinction pendant ces années-là au poste de président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. J'ai admiré l'honnêteté et la sincérité du sénateur Ghitter. J'ai également apprécié l'énergie, la diligence et l'attention aux détails dont il a toujours fait preuve dans ses fonctions de sénateur, notamment à titre de président du comité. Les efforts et l'enthousiasme du sénateur Ghitter, aussi bien que son affabilité et sa chaleur, ont contribué de façon marquée au succès du travail du comité durant son mandat à la présidence.
Je regrette que notre caucus perde les services de l'un de ses membres les plus efficaces, mais je souhaite bonne chance au sénateur Ghitter dans ses futures entreprises.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, c'est avec des sentiments partagés que je prends la parole aujourd'hui. Ron et moi nous connaissons depuis de nombreuses années. Nous avons toujours été des adversaires politiques, mais néanmoins des amis.
Une foule de sénateurs ont dit aujourd'hui que dès qu'ils avaient un problème, ils pouvaient aller voir Ron. Mon dilemme était différent. Quand j'avais un problème, la dernière personne que je voulais voir, c'était Ron. Il était un formidable adversaire qui savait comment exploiter les faiblesses de mes arguments.
(1430)
J'étais assis à côté du sénateur Ghitter quand il a occupé le poste de président du comité de l'environnement. J'étais toujours fier quand je pouvais prévoir une de ses magistrales manoeuvres, mais je n'ai pas réussi à le faire bien souvent. Il était un tacticien rusé.
Je me souviens d'abord de Ron comme un des meilleurs joueurs de tennis de l'Alberta. Il était un professionnel du tennis au Glencoe Club. Il était réputé pour frapper la balle avec force pour qu'elle tombe tout juste à l'intérieur de la ligne. Il faisait de même en politique, ses coups tombant toujours tout juste à l'intérieur de la ligne. On ne pouvait pas le prendre en défaut sur un recours au Règlement.
Je ne dirai que de bons mots à l'endroit du sénateur Ghitter aujourd'hui parce que, plus tôt aujourd'hui, j'ai accepté d'être le principal animateur du bien-cuit tenu en son honneur à Edmonton pour recueillir des fonds pour le Parti conservateur. C'est une soirée à laquelle j'ai bien hâte de participer. J'espère que tous les sénateurs se procureront un billet. Le discours que j'y prononcerai sera totalement différent de celui que je fais aujourd'hui.
Ron et moi avons cimenté notre amitié ces dernières années. Nous prenions l'avion ensemble pour aller à Calgary, dans le bon vieux temps où il y avait deux sociétés aériennes desservant le Canada. On pouvait alors compter sur la possibilité d'avoir un bon siège et de pouvoir se déplacer quand on voulait. Parfois, je me glissais subrepticement dans l'avion et je prétendais être tombé sur lui par hasard parce qu'il portait toujours de splendides vêtements. Lorsque je portais des couleurs désassorties, ma femme me disait toujours: «Pourquoi ne t'habilles-tu pas comme Ron Ghitter? Il est toujours bien mis, lui.»
Honorables sénateurs, Ron Ghitter a été un exemple pour moi, tant en politique que dans la vie privée. Il avait gardé toute sa vivacité d'esprit et la solide réputation qu'il s'était faite en se battant pour les minorités.
Je me souviens que le premier ministre Lougheed a fait des pieds et des mains pour nommer Ron Ghitter à mon poste parce que, étant chef du Parti libéral, je ne pouvais pas me présenter à l'assemblée législative pour mener la charge. Je lui en suis reconnaissant. Cependant, il était tellement bon que j'ai probablement été le seul dirigeant politique du Canada à devoir mâter une révolte de partisans de son propre parti qui voulaient comme dirigeant quelqu'un d'un autre parti. Il est indéniable que Ron était à ce point efficace.
Honorables sénateurs, le sénateur Ghitter a été tout aussi efficace au Sénat. Récemment, il s'est battu pour le Sénat. En particulier, il est mêlé à des procès à Calgary contre un parti d'opposition de l'autre endroit dont nous verrons de plus en plus de représentants, j'en suis certain, un parti dont les journaux parlent beaucoup ces derniers jours.
Ron Ghitter est un homme politique comme il s'en fait peu. Nous entendons souvent parler de marché, de mondialisation et de bilans, mais, pour Ron, ce sont là des facteurs parmi d'autres, notamment la condition humaine, la civilisation et la société.
Sur ce, Ron, je vous salue bien bas. Vous nous manquerez ici parce que vous avez rehaussé le Sénat. Dieu vous bénisse, et bonne chance.
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ce n'est pas une très bonne journée pour moi au Sénat. Ceux qui ont pris la parole avant moi ont dit tout ce qui pouvait être dit sur les capacités et l'intelligence du sénateur Ghitter.
J'adopterai donc un ton plus personnel. Je savais bien qu'il me faudrait un jour faire un tel discours, mais je ne m'attendais pas à le faire si tôt étant donné son âge. J'espérais que ce jour ne vienne que dans 10 ans.
Pourquoi un homme prend-il une retraite anticipée? Le sénateur Ghitter part dix ans trop tôt. Pourquoi part-il? Est-ce parce qu'il n'aime pas ce qu'il voit venir lorsqu'il regarde derrière lui? Cette vieillesse qui finira par nous rattraper tous un jour? Est-ce parce qu'il ne nous aime plus ou ne veut plus de nous? Est-ce - et je crois que c'est là la raison - parce qu'il aura 65 ans le 22 août et qu'il aura droit à sa pension de sénateur, à sa pension du RPC, à la Sécurité de la veillesse et peut-être même au Supplément de revenu garanti, qui sait? Je crois que c'est pour cette raison qu'il prend sa retraite, pour avoir droit à quatre pensions.
Pour renseigner ceux qui ont été appelés au Sénat plus récemment et pour rafraîchir la mémoire de ceux qui étaient là avant le sénateur Ghitter et moi-même, nous avons été nommés le même jour, le 25 mars 1993. Une autre coïncidence réside dans le fait que, à cette époque, au moment où nous avons reçu le fameux appel téléphonique, nous risquions tous deux de faire faillite à cause des manoeuvres de certains individus que je ne nommerai pas, mais nous sommes encore ici. En outre, on nous a conduits tous deux au 9e étage de l'édifice Victoria, du côté qui donne sur la rue Wellington et sur cette magnifique colline. On nous a donné des bureaux voisins. Ils sont petits, mais la vue est magnifique. La dernière coïncidence est que nous sommes devenus amis. Un de mes anciens partenaires m'a dit de ne pas abuser du mot «ami». Il a dit que, tout au long de notre vie, on pouvait avoir de nombreuses connaissances, mais qu'on avait très peu d'amis. Même si nos chemins se séparent et même s'il se peut que nous ne nous voyions pas ou que nous ne nous parlions pas pendant de longues périodes, nous resterons amis.
Je ne dirai pas à Ron qu'il est extraordinaire, généreux, intelligent et beau, car d'autres l'ont déjà dit. Je ne suis cependant pas tout à fait d'accord pour dire qu'il est beau.
Le sénateur Ghitter a apporté une énorme contribution au Sénat.
Ron a une épouse merveilleuse, Myrna. Il a de la chance de l'avoir.
Le whisky que nous prenions ensemble avant le souper me manquera. Ron me manquera terriblement.
Mes racines presbytériennes irlandaises me disent que je ne devrais pas parler trop longtemps, alors je ne dirai pas à quel point Ron est bon et merveilleux, parce que je n'aime pas faire cela.
Au revoir, Ron. Puissiez-vous poursuivre votre cheminement et avoir toujours le vent dans les voiles.
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je serai bref, moi aussi.
Je suis vraiment heureux, en quelque sorte, que Ron nous quitte. Je m'en réjouis car je pense qu'il est heureux de partir. Il ne me manquera pas comme ami, car il est mon ami et je vis pas très loin de chez lui. Je le verrai beaucoup à Calgary. Il n'y a qu'une chose qui me déçoit: comme je pouvais le voir ici, je n'avais pas à prévoir du temps pour le voir à Calgary; je devrai le faire dorénavant.
Je suis un peu fâché contre Ron. Je ne sais pas s'il s'en est rendu compte après avoir écrit sa lettre de démission, car après il était trop tard, mais aujourd'hui, il va rendre un certain libéral en Alberta très heureux. Ce qui est encore plus fâcheux, c'est que non seulement il va rendre un libéral heureux, mais ce libéral n'en ressentira aucune culpabilité puisque Ron est toujours vivant. C'est merveilleux.
(1440)
Comme je l'ai déjà dit, honorables sénateurs, Ron ne me manquera pas puisque je continuerai de le voir. Je sais que le parti ne regrettera pas son départ. C'est plutôt un jour heureux pour le parti, car Ron pourra maintenant participer davantage à ses activités. Je dis aux libéraux de l'Alberta qui sont en train de m'écouter qu'ils feraient mieux de faire attention, car Ron aura maintenant beaucoup plus de temps pour s'occuper d'eux.
Myrna ne regrettera évidemment pas son départ, puisqu'il sera à la maison plus souvent. C'est bon pour Myrna, et ce qui est bon pour Myrna est bon pour Ron.
Vous allez cependant nous manquer, ici et dans notre caucus. Vos conseils nous manqueront. Enfin et surtout, nous allons regretter votre dignité au Sénat. Vous êtes un type vraiment bien. Je vous souhaite bonne chance. Nous nous reverrons certainement à Calgary et nous irons peut-être déjeuner dans un de ces bons petits restaurants. Vous allez manquer au Sénat.
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je tiens à remercier Myrna pour bien des choses au fil des ans. Marilyn vous transmet aussi ses remerciements.
À ceux d'entre vous qui, comme le sénateur Stratton, se demandent pourquoi le sénateur Ghitter nous quitte à l'âge de 65 ans, je peux révéler un secret. Son ambition a toujours été d'obtenir un score au golf équivalant à son âge avant de quitter ce monde. J'espère qu'il y parviendra et que ce score sera de 71. Nous suivrons cela. Il devrait y parvenir à peu près à l'époque où je quitterai le Sénat. Je vous remercie d'avoir été un collègue et un ami. Bonne chance.
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, l'hommage que je vais rendre à mon collègue albertain, Ron Ghitter, même s'il sera bref, car tout ce que je voulais dire à son sujet a déjà été dit, viendra toutefois du fond du coeur.
Ron Ghitter a été un sénateur idéal. Je l'admirais bien avant mon arrivée dans cette enceinte. Il a amené au Sénat une vision qu'il proposait à l'Alberta et au Canada, une profonde compréhension du processus politique et une motivation à étendre à tous les droits de la personne. Longtemps après son départ, on se souviendra encore de la contribution qu'il a apportée à l'amélioration du bien-être de la société.
Espérons que l'héritage politique qu'il nous laissera servira de guide à son successeur, qui, je l'espère, saura exprimer au Sénat les voeux de bien des Albertains, qui veulent une société progressiste qui fait preuve de compassion. J'espère aussi que son successeur se battra pour que les droits de tous ceux qui sont marginalisés soient respectés. Je souhaite que son successeur comprenne que l'Alberta et le Canada, pour prospérer au XXIe siècle, doivent pleinement participer à un monde en constante évolution.
Ce sont là les valeurs de Ron Ghitter auxquelles je rends hommage aujourd'hui.
L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, je n'ai eu affaire avec Ron Ghitter que quatre fois environ depuis que je suis arrivée au Sénat, principalement au comité de l'environnement, mais cela m'a suffi pour que je prenne la mesure de cet homme. Je veux simplement dire que son intégrité et sa persistance m'ont impressionnée. Le communauté humaine a bien besoin de ces qualités.
Ron, je vous félicite de les posséder et je vous souhaite bonne chance.
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, le sénateur Ron Ghitter a équilibré ma vie, politiquement parlant. Un sénateur libéral a dit plus tôt qu'à certains moments, il y avait des divergences d'opinions politiques au sein notre propre caucus. Dans un tel environnement, j'ai appris non seulement à respecter Ron, mais à vraiment l'apprécier. Parmi les gens bien qu'il m'a été donné de rencontrer, vous êtes l'un des meilleurs.
Vous allez nous manquer, à nous qui venons du fin fond de l'Ouest.
L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs...
Des voix: Bravo!
Le sénateur Ghitter: Vous avez tous été si élogieux cet après-midi que j'ai changé d'idée et que je vais rester.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Ghitter: Je pense qu'il est trop tard pour changer d'idée. Je vais devoir aller de l'avant. Je vous remercie, honorables sénateurs, de vos commentaires généreux et chaleureux.
Au fil des années où j'ai eu le privilège de siéger au Sénat du Canada, j'ai souvent dit que les hommages rendus à ceux qui prennent leur retraite devraient être brefs et limités. C'était bien sûr avant aujourd'hui. Nos perspectives changent souvent lorsque les hommages s'adressent à nous.
Comme l'attesteront les amis qui me connaissent bien, il n'arrive pas souvent que je sois sans voix. Cela s'est produit lorsque j'ai épousé ma Myrna chérie; cela est arrivé au mariage de ma fille; et je ressens aujourd'hui la même chose. Avant de passer au prochain point, je déclare que la période «sans voix» est terminée. Je ferai donc quelques commentaires à l'occasion de ma dernière intervention en cet endroit.
Lorsque je repense aux sept dernières années, je constate que je suis devenu à bien des égards une personne fort différente de celle qui a fait son entrée dans cette Chambre avec le sénateur Stratton, en mars 1993. J'ai perçu l'étendue et la diversité de ce pays grâce aux descriptions qu'en ont faites des gens beaucoup plus sages que moi qui demeurent dans cette Chambre. Je me suis rendu dans des régions de ce grand pays qui ne correspondaient pour moi qu'à des noms sur une carte géographique. J'ai connu la politique des ligues majeures à Ottawa, et elle est fort différente de celle qui a cours dans le cadre plus étroit d'une assemblée législative provinciale.
J'ai changé mon point de vue sur de nombreux sujets, dont l'élection des sénateurs. Lorsque j'ai accédé au Sénat, je pensais que c'était une bonne idée. Ce n'est plus le cas. Je n'ai jamais eu de fusil de ma vie, mais je me suis opposé à une mesure législative visant à contrôler les armes à feu, et je m'y oppose toujours. J'ai parlé de la réforme de la Chambre des communes et, grâce au sénateur Spivak, je suis même devenu un écologiste. Qui l'eût cru? C'est ce qui arrive dans ce monde.
Au Sénat, j'ai vécu les bas que l'on connaît de temps en temps lorsqu'il faut entreprendre une action en diffamation concernant des commentaires faits à mon sujet au sein de cette institution, et les hauts associés aux nombreuses amitiés que j'ai eu le bonheur de tisser pendant mon séjour ici. Comme mes collègues sénateurs de l'Alberta peuvent l'attester et comme l'a mentionné le sénateur Fairbairn dans ses généreux commentaires, être un sénateur de cette grande province représente un défi et souvent une expérience douce-amère.
Mettant de côté l'esprit de parti, je dirai que je suis très fier d'être associé aux sénateurs Fairbairn, Hays, Taylor, Chalifoux et Roche ainsi que, bien sûr, au sénateur Forest, qui est à la retraite. J'ai beaucoup d'admiration pour tous ces sénateurs, qui représentent si bien notre province. Je tire aussi une grande fierté d'avoir été sénateur. Je me souviens du premier discours que j'ai livré au Sénat; mon parti siégeait alors en face, où il est beaucoup plus intéressant de siéger. J'aimerais bien que mon parti y soit de nouveau, ce qui ne manquera pas de se produire. Je le dis en toute partialité.
Je me souviens de mon tout premier discours. J'étais terriblement nerveux. Je me souviens que le sénateur Frith s'est levé pour me signaler, avec délicatesse et beaucoup de courtoisie, que, si seulement je ralentissais, il pourrait suivre mon discours. Il pouvait l'entendre, mais il ne pouvait rien comprendre parce que je parlais trop vite.
Peu de temps après, j'épousais ma chère Myrna, qui s'intéressait peu à la vie politique. Je devais prendre l'avion tôt le lendemain de notre mariage, car ma présence au Sénat était exigée pour le débat et le vote sur l'infâme hausse de 6 000 $. En quittant l'hôtel Westin de Calgary, ce matin-là, j'ai eu la surprise d'apprendre que notre suite serait occupée par nulle autre que Kim Campbell. Bien sûr, pour ma femme, c'était la première expérience de la vie politique et du mode de vie que suppose cette vie. Je lui sais gré de l'avoir compris.
Je me souviens de l'intensité des travaux et des débats du Sénat sur des questions importantes telles que l'aéroport Pearson, le contrôle des armes à feu, le MMT, la réforme du Sénat, voire le manque d'assiduité du sénateur Thompson et la Loi sur la Loi sur la protection de l'environnement, pour n'en nommer que quelques-unes.
Des nombreuses expériences que j'ai vécues au Sénat, certaines agréables, d'autres non, j'ai appris à respecter les membres du Sénat du Canada, leurs travaux, leur engagement envers leur pays et leur conscience de leurs responsabilités constitutionnelles. Des changements sont nécessaires au Sénat, comme à l'autre endroit. J'estime cependant, et je le dis et continuerai de le dire partout où j'irai, que la conservation du Sénat est indispensable pour assurer l'équilibre d'un pays aussi diversifié, sur le plan géographique, que le Canada et pour assurer un second examen des projets de loi et programmes après qu'ils aient fait l'objet de discours politiques enflammés et d'interventions affectées à l'autre endroit.
(1450)
Je n'entretiens aucun doute sur la nécessité du Sénat, et je ne parle pas ici d'un Sénat élu. J'ai exprimé mon opinion à ce sujet ici même et en de nombreux endroits. Nous avons besoin du Sénat, où des Canadiens chevronnés, réfléchis et dévoués, comme ceux qui sont ici aujourd'hui, peuvent mettre à contribution leur sagesse et leur intelligence dans un contexte calme, détaché et de préférence non partisan, afin d'assurer une représentation équilibrée des régions.
Malheureusement, trop souvent, les Canadiens ne comprennent pas la valeur du Sénat, que les médias prennent trop fréquemment comme bouc émissaire lorsque l'actualité leur donne peu à se mettre sous la dent. C'est pourquoi il est de notre responsabilité, et je continuerai à le dire, de démontrer aux Canadiens la valeur du Sénat. N'oublions jamais que nous sommes constamment jugés dans l'exercice de nos fonctions.
En terminant, je tiens à remercier les honorables sénateurs pour leur bienveillance et pour ce qu'ils font. Je quitte cet endroit avec le plus grand respect pour tous ceux qui y apportent leur contribution unique.
Mes collègues de ce côté-ci de la Chambre me manqueront. Le fait de faire votre connaissance a été pour moi une merveilleuse expérience. Je salue nos chefs, le sénateur Lynch-Staunton et son prédécesseur, le sénateur Murray, qui nous ont si bien servis et qui ont servi le pays et le Sénat avec conviction et en demeurant fidèles à leurs racines politiques.
Je remercie Stephen Ball, mon alter ego, mon rédacteur, cuisinier, technicien, conseiller et humoriste, qui a été le meilleur de tous. Je regrette cependant de l'avoir rendu dépendant de mes friandises.
Je remercie également le Président, et tout le personnel du Sénat, pour leur aide et leurs conseils.
J'ai eu la chance d'être appelé là où seulement 827 Canadiens ont siégé depuis le début de la Confédération. Je remercie l'ancien premier ministre Mulroney de m'avoir nommé au Sénat, ainsi que tous ceux d'entre vous qui m'ont permis de vivre cette mémorable expérience. Merci beaucoup à vous tous.
Des voix: Bravo!
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-13, Loi portant création des Instituts de recherche en santé du Canada, abrogeant la Loi sur le Conseil de recherches médicales et modifiant d'autres lois en conséquence.(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du mardi 4 avril 2000.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les ressources naturelles
La liquidation de la Société de développement du Cap-Breton-La proposition d'un groupe local visant à acquérir la mine Donkin
L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat au sujet de la Devco.Honorables sénateurs, j'ai en main une lettre - mais le leader du gouvernement en a peut-être reçu copie - d'un groupe dont les membres viennent surtout de la région de Glace Bay-New Waterford. Ce groupe a formé une coopérative avec l'aide du père George Neville pour tenter de reprendre la mine Donkin. Steve Farrell, un ingénieur minier de renom que le ministre connaît sans doute et qui est probablement l'un des très rares ingénieurs miniers à avoir une connaissance inouïe des gisements de Sydney, a également aidé à créer cette coopérative.
Comme le ministre le sait, la mine Donkin contient ce qui est probablement le meilleur charbon des gisements houillers de Sydney. En 1979, le gouvernement provincial de l'époque, que j'avais l'honneur de diriger, a fait venir un navire de forage et a délimité les couches dans la région de Donkin. Ensuite, sous la direction de l'honorable Allan J. MacEachen, deux tunnels ont été forés, pour un peu plus de 80 millions de dollars, entre 1980 et 1984-1985. Ces tunnels ont été inondés, avec raison, de façon à les préserver. Les tunnels sont là, le charbon est là, tout est prêt pour l'exploitation.
À cause de la fermeture de la mine Phalen, un nombre considérable de mineurs seront déplacés et iront travailler à la mine Prince. Bien entendu, un certain nombre d'entre eux seront licenciés. Ils recevront une indemnité de cessation d'emploi, mais ils n'auront pas de prestations de retraite et ils se trouveront au chômage.
Ma question est simple: le ministre est-il au courant de cette proposition de la coopérative de la région de Glace Bay-New Waterford?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Je connais le groupe dont il parle; je crois que c'est le père Bob Neville qui a contribué à sa formation. Il s'agit d'un groupe local qui songe à faire de l'exploitation minière dans la région industrielle du Cap-Breton. C'est pourquoi il offre des emplois à certains de ces mineurs qui ne recevront aucune pension et n'auront plus d'emploi après l'arrivée du nouvel exploitant du secteur privé dans l'industrie houillère actuelle.
Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner en détail la proposition et je ne suis pas non plus certain qu'elle contient tous les détails.
Ce groupe n'est pas le seul. Au moins un autre groupe local s'est montré intéressé à certains aspects du terrain houiller, essentiellement pour les mêmes raisons. Il veut voir s'il est possible de donner du travail aux mineurs qui ne seront pas embauchés par le nouvel employeur du secteur privé qui exploitera les installations charbonnières existantes.
J'ai eu l'occasion de communiquer avec au moins deux groupes. Je les ai informés que nous avons amorcé un processus pour veiller à ce que les principales opérations de la Devco soient reprises par un nouvel exploitant du secteur privé. Ce dernier poursuivra l'exploitation de la société à long terme et fournira de l'emploi à un grand nombre des mineurs qui travaillent actuellement à cet endroit.
(1500)
C'est là l'objectif premier, et je pense qu'il s'agit d'un processus indépendant. Il atteint maintenant une étape cruciale. Des groupes du secteur privé ont exprimé le désir de reprendre les activités de la Devco. Après un tri, il reste un très petit nombre de ces groupes. Il faut accorder priorité à ce processus si nous voulons faire en sorte que la mine de charbon principale poursuive ses activités et que de nombreux mineurs continuent d'y travailler.
Cependant, cela ne veut pas nécessairement dire qu'il n'existe pas d'autres possibilités. Avant de les étudier sérieusement et de peut-être susciter des attentes qui pourraient être irréalistes, nous devons voir le plan de l'exploitant du secteur privé dont la demande sera acceptée.
Le sénateur Buchanan: Honorables sénateurs, je veux remercier le ministre de sa réponse. Je n'ai rien à redire sur ce qui se passe actuellement. Cela va se produire. Nous le savons et nous pourrons discuter des avantages et des inconvénients du plan de la Devco lorsque le Sénat sera saisi du projet de loi C-11.
La liquidation de la Société de développement du Cap-Breton-La possibilité pour le nouvel exploitant d'offrir en concurrence du charbon importé des États-Unis
L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, j'ai actuellement une grande crainte, à l'instar de nombreux habitants du Cap-Breton. Comme vous le savez, la Nova Scotia Power Corporation utilise environ 2,5 millions de tonnes de charbon par an pour produire 80 p. 100 de l'électricité en Nouvelle-Écosse. Évidemment, les centrales de Lingan qui ont été construites à la fin des années 70 et au cours des années 80, ainsi que la centrale de Point Aconi et la nouvelle centrale de Trenton y sont pour quelque chose. Elles utilisent toutes du charbon. Elles se convertiront peut-être au gaz naturel à un moment donné, même si des gens de l'industrie me disent que la façon la moins coûteuse pour produire de l'électricité c'est encore d'utiliser notre charbon local.La relance des activités de la mine Donkin suscite des inquiétudes. Je voudrais que le ministre vérifie ceci. L'appel d'offres de la Devco prévoit que l'exploitant dont l'offre sera retenue et qui reprendra les activités de Point Aconi aura le droit de vendre à la Nova Scotia Power Corporation un million de tonnes de charbon.
En d'autres termes, il se pourra que le million de tonnes de charbon qui seront utilisées au Cap-Breton viennent d'endroits comme Hampton Roads, en Virginie. Le charbon pourrait venir des mines de Virginie occidentale et de Pennsylvanie pour aboutir ensuite à Hampton Roads et être expédié vers le Cap-Breton. Il y a plus d'un million de tonnes de charbon dans les gisements de la mine Donkin qui pourraient être exploités et pourtant, ces hommes qui vont être déplacés, qui sont des mineurs expérimentés, pourraient ne jamais avoir l'occasion d'extraire ce charbon, car il proviendrait des États-Unis. Si c'est le cas, c'est incroyable.
Honorables sénateurs, on m'a dit qu'une entreprise étrangère, probablement américaine, va prendre le contrôle de la centrale de Point Aconi, et qu'elle aura le droit de commercialiser ensuite le charbon d'où qu'il vienne. Le charbon sera importé au Cap-Breton pour faire fonctionner les centrales de la Nova Scotia Power Corporation. C'est une chose, monsieur le ministre, que nous devons tout simplement vérifier de près pour nous assurer si possible que cela ne se produira pas.
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous voulons certes exploiter au maximum toutes les ressources houillères du Cap-Breton et créer le maximum d'emplois. À l'issue du processus de sélection, nous retiendrons l'exploitant qui sera capable de trouver des débouchés solides et durables, que ce soit auprès de la Nova Scotia Power ou d'autres clients. On peut espérer que cet exploitant du secteur privé sera une entreprise ayant d'abondantes ressources financières pour assurer la sécurité d'emploi aux gens qui accepteront de travailler pour elle.
L'honorable sénateur a raison en ce sens que, selon un principe général, nous devons veiller à maximiser les ressources, pourvu que cela se fasse de façon rentable. Dans l'histoire de ce gisement houiller, que nous connaissons très bien tous deux, l'État a dépensé des sommes énormes au fil des ans pour subventionner la production de charbon. Cela ne se répétera plus.
C'est pourquoi, tout compte fait, je suis persuadé que les mineurs du Cap-Breton pourront, dans des circonstances appropriées, continuer à extraire du charbon pendant longtemps encore. Ils produiront ce charbon à des prix compétitifs et ils le vendront à la Nova Scotia Power Commission. Ce n'est pas parce que la société d'électricité veut leur rendre service ou créer des emplois en Nouvelle-Écosse. Elle leur achètera ce charbon parce que ce sera la solution la meilleure et la moins coûteuse. Je ne serais pas du tout étonné que le charbon du Cap-Breton soit vendu non seulement en Nouvelle-Écosse, mais aussi ailleurs dans le monde.
Le sénateur Buchanan: Honorables sénateurs, le ministre vient de mettre le doigt sur le problème. Au lieu de dire qu'il y «aura» des débouchés un peu partout dans le monde pour le charbon du Cap-Breton, il serait plus juste de dire qu'il y aura «peut-être» des débouchés. Le problème, c'est qu'il y a actuellement un marché d'un million de tonnes de charbon environ. Quelle que soit sa longévité, la mine Prince produira de 1 à 1,5 million de tonnes de charbon, peut-être un peu plus. Il manque encore 1 million de tonnes de charbon à la Nova Scotia Power Corporation. Il y a actuellement un marché au Cap-Breton. Les investisseurs prétendent qu'ils pourraient embaucher 200 mineurs pour la nouvelle mine Donkin. Ils prétendent - il faudra analyser cela de près - qu'ils seront en mesure de financer l'opération en partie avec des capitaux de l'extérieur et en partie avec des capitaux provenant de la Nouvelle-Écosse.
Honorables sénateurs, si tel est le cas, pourquoi le gouvernement du Canada, par l'entremise de Devco, permettrait-il qu'un million de tonnes de charbon dont nous avons besoin soit importées de l'étranger? Pourquoi dirait-il au nouvel exploitant de la mine Donkin, qui réunit surtout des gens du Cap Breton ou de la Nouvelle-Écosse: «Nous sommes désolés, mais vous ne pouvez pas vendre votre charbon à la Nova Scotia Power Corporation, vous devez plutôt le vendre», comme le ministre vient de le dire, «ailleurs au monde». Si c'est le cas, ce n'est pas juste. C'est absurde.
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je suis persuadé que le processus de sélection en cours, dont je ne connais pas les détails parce qu'il est indépendant du gouvernement, se penchera sur toutes les probabilités pour maximiser les possibilités d'emploi dans cette région. Toutefois, en fin de compte, ce sera la capacité des mineurs d'extraire ce charbon, de le remonter à la surface et de l'offrir à un prix concurrentiel qui déterminera la quantité de charbon qui sera vendue à la Nova Scotia Power Corporation et ailleurs.
La liquidation de la Société de développement du Cap-Breton
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Le ministre parle d'un processus indépendant qui serait en cours en ce qui a trait à la liquidation de la société. Je présume que c'est légitime qu'il soit indépendant. Toutefois, le gouvernement ne devrait pas s'en servir pour fuir ses responsabilités lorsque d'importantes questions de politique d'intérêt public sont en cause. J'aimerais beaucoup connaître le mandat que le Cabinet a confié à l'organisme du secteur privé qui est chargé de représenter le gouvernement en vue de la liquidation de cette société.Le ministre a également parlé d'un exploitant, au singulier, du secteur privé, ce qui me porte à me demander si le gouvernement est d'avis que tout l'actif de la société doit être vendu en bloc à un seul acheteur. Le ministre sait qu'il y a de nombreux éléments d'actif en cause, soit la mine Prince, la mine Donkin, le chemin de fer, l'usine de débourbage, entre autres.
(1510)
Est-ce que la position du gouvernement est qu'il n'accepterait pas de propositions pour l'un ou l'autre des biens séparément? Mon collègue sait que la coopérative dont a parlé le sénateur Buchanan ne cherche à acquérir que l'un de ces biens, à savoir la mine Donkin. J'aimerais que le ministre réponde à cette question.
Enfin, le ministre a-t-il reçu une demande de cette coopérative pour le rencontrer, s'il ne l'a pas encore fait, le fera-t-il?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la principale motivation du gouvernement est de maximiser l'emploi dans la région pendant le processus de dessaisissement. J'ai parlé d'un seul employeur du secteur privé au départ parce que le processus d'appel d'offres est en cours. Sans aucun doute, il y aura un exploitant principal de ce gisement houiller. Ce sera la compagnie qui sera retenue à l'issue du processus de sélection. Je ne pense pas que cela exclue forcément d'autres exploitants. Je sais qu'il y a au moins deux autres groupes qui ont exprimé un intérêt.
Le groupe dont nous parlons en ce moment m'a fait part très tôt de son intérêt. Je lui ai recommandé à l'époque de suivre le processus prévu. Plus tard, très récemment, il a de nouveau contacté mon bureau afin de me parler. Je n'ai aucune hésitation à lui parler et à le rencontrer, ce que je ferai avec au moins un autre groupe. Le message que j'ai communiqué à ces groupes est que nous avons mis en place un processus et que nous ne pouvons pas nous en mêler tant qu'il est en cours. Dans le cadre de ce processus, une recommandation sera faite à la société d'État et en fin de compte au gouvernement, ce qui n'exclut pas d'autres possibilités, si elles sont sensées.
L'agriculture et l'agroalimentaire
La crise agricole dans les Prairies-Le problème des inondations au Manitoba et en Saskatchewan
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je déteste me répéter quand je pose une question, mais la semaine dernière, j'ai demandé ce qu'il en était de l'aide aux agriculteurs victimes des inondations dans le sud-ouest du Manitoba et le sud-est de la Saskatchewan. Il y a déjà plusieurs semaines, le ministre avait promis qu'il saisirait le premier ministre de la question et qu'il me donnerait une réponse. Je vais me répéter et demander de nouveau s'il y a eu des progrès dans ce dossier.L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la dernière fois que le sénateur a soulevé cette question, je me suis renseigné, car je pensais qu'une réponse avait été déposée. Mon bureau m'a informé qu'une réponse à la question du sénateur avait été déposée le 24 février. J'ignore si le sénateur Stratton a reçu la réponse, mais celle-ci faisait état de quelques-unes des modifications et de quelques-uns des programmes mis en oeuvre. Cependant, j'ai répété au ministre de l'Agriculture que le sénateur s'inquiétait au sujet des agriculteurs qui n'ont pas pu ensemencer leurs terres, le printemps dernier, en raison des inondations survenues dans le sud-est de la Saskatchewan et dans le sud-ouest du Manitoba. Je suis disposé à faire venir un autre exemplaire de la réponse.
Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je ne cesse de poser cette question, car aucune mesure précise n'a été prise pour ce groupe d'agriculteurs. Je crois savoir qu'ils ne sont pas admissibles au programme ACRA.
Je suis reconnaissant des mesures que le gouvernement a prises pour venir en aide aux agriculteurs de l'ensemble du pays, mais le montant des fonds accordés récemment aux agriculteurs ne suffira même pas à compenser la hausse du coût du carburant qu'ils utilisent dans leurs exploitations agricoles. Ils se trouvent vraiment en difficulté.
Si je pose des questions à répétition, c'est par souci du sort de ces agriculteurs. Est-il possible de leur faire bénéficier d'un programme gouvernemental quelconque? Selon le budget des dépenses pour la prochaine année financière, nous dépenserons 552 millions de dollars pour aider les régions sinistrées du Saguenay et de la rivière Rouge. Je présume que la majeure partie de ce montant servira à réparer les dégâts causés par la tempête de verglas. Si nous pouvons dépenser 552 millions de dollars au cours du prochain exercice et un nombre incalculable de millions au cours du dernier exercice et de l'exercice précédent, soit bien plus de 2 ou 3 milliards de dollars, pourquoi ne pouvons-nous pas aider ces agriculteurs de la même façon?
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je ferai ce que j'aurais dû faire au début, soit lire à l'intention des autres sénateurs des extraits de la réponse qui a été déposée.
Le gouvernement du Canada a apporté plusieurs modifications aux programmes existants de sécurité du revenu afin d'aider les agriculteurs qui n'ont pu semer leurs cultures en raison des pluies diluviennes du printemps dernier.
En partenariat avec le gouvernement de la Saskatchewan, le gouvernement a accordé une indemnité de 50 $ l'acre à ceux qui avaient des terres non ensemencées. Cette offre a été faite également au gouvernement du Manitoba.
Le gouvernement a repoussé les délais d'ensemencement aux fins de l'assurance-récolte.
Le gouvernement a modifié le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole (ACRA) afin de permettre aux agriculteurs d'obtenir plus tôt leur indemnité provisoire de 1999.
Le gouvernement a modifié les règles relatives au Programme du compte de stabilisation du revenu net (CSRN) afin de faciliter l'accès à ces fonds.
Le programme ACRA vise à offrir un soutien financier aux agriculteurs qui connaissent des pertes de revenus importantes, quelles que soient les circonstances. Il s'adresse donc notamment aux agriculteurs qui ne peuvent semer à cause du temps pluvieux.
L'honorable sénateur n'est peut-être pas d'avis que la réponse est exhaustive, mais elle reflète, à mon avis, la manière dont le gouvernement du Canada a réagi à cette situation particulière.
Honorables sénateurs, j'ai eu le plaisir la semaine dernière d'assister à un dîner de travail avec le ministre de l'Agriculture de la Nouvelle-Écosse, qui était venu à Ottawa avec ses homologues des autres provinces pour négocier avec le ministre fédéral un nouvel accord fédéral-provincial. En fait, il est reparti fort satisfait du fait que les provinces ont réussi à conclure cet accord et de l'importance de l'aide qui irait à la Nouvelle-Écosse.
Je ne peux me prononcer sur toutes les provinces, mais pour ce qui est de la province dont j'ai rencontré le ministre de l'Agriculture, je pense qu'on peut dire qu'un progrès marquant a été fait. Compte tenu de l'accord que nous avons vu ici, quand les premiers ministres de la Saskatchewan et du Manitoba ont accompagné le premier ministre pour annoncer un nouveau programme ponctuel, et des améliorations au programme ACRA existant, je suis d'avis que le gouvernement a pris des mesures importantes depuis quelques mois.
Les affaires étrangères
Le bilan de la Chine concernant le respect des droits de la personne-Demande de dépôt de document concernant la politique gouvernementale
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, le Département d'État américain a déposé récemment son «Rapport par pays sur les droits de la personne» de 1999.(1520)
Le rapport sur la Chine, qui fait quelque 70 pages, indique que le bilan peu reluisant de la Chine concernant le respect des droits de la personne s'est nettement détérioré tout au long de l'année. Il rend compte en détail de nombreux cas de violations des droits de la personne comme l'intensification des efforts du gouvernement en vue de réprimer notamment la dissidence organisée, de contrôler et de manipuler la presse, de maintenir les restrictions de la liberté de religion, dont l'intensification des contrôles visant certaines Églises non enregistrées.
Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il déposer la position du gouvernement sur le bilan de la Chine en ce qui concerne le respect des droits de la personne?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en ce qui concerne la question des droits de la personne, les contacts du Canada avec la Chine reposent sur trois grands piliers. Le Canada fait régulièrement part aux hautes instances chinoises de ses préoccupations à l'égard de cas précis et de la politique générale du gouvernement chinois. En outre, nous avons constitué un comité mixte des droits de la personne, dont la quatrième réunion s'est tenue en Chine, en automne dernier. Nous avons aussi organisé un symposium sur les droits de la personne auquel participent plus de 10 pays et dont la troisième série de travaux se tiendra en Thaïlande, en juin.
Nos rapports avec la Chine dans le dossier des droits de la personne ne se limitent pas à faire part de nos préoccupations, à avoir des consultations et à échanger des visites. L'Agence canadienne de développement international continue d'élaborer de nombreux projets pour promouvoir la primauté du droit dans ce pays. Prenons par exemple la formation des juges. Le dialogue mené entre le Canada et la Chine à propos des droits de la personne a permis au Canada d'avoir accès à des organismes chinois dont la coopération est essentielle si nous voulons améliorer les pratiques de la Chine en matière des droits de la personne.
Si le sénateur demande si nous sommes toujours satisfaits du bilan de la Chine en ce qui concerne le respect des droits de la personne, la réponse est non. Toutefois, la diversité de nos contacts nous permettra d'améliorer ce bilan.
Les droits de la personne
Le bilan de la Chine
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je ne sais pas comment dire cela gentiment. Il me semble certes que notre pays a investi beaucoup d'efforts, d'énergie et d'argent dans les contacts avec la Chine, y compris tous ces comités. Je crois comprendre que la plupart de ces comités fonctionnent à huis clos. Ce caractère secret a entraîné une détérioration du processus et de ces questions, y compris les exactions dirigées tout récemment contre l'Église catholique. On ne parle même pas du Falun Gong, mais de l'Église catholique. La Chine ne reconnaît pas une partie de l'Église catholique parce que les catholiques croient dans le pape. Elle persécute et emprisonne des gens qui essaient de pratiquer la liberté de culte.Il me semble que, depuis que notre pays s'est engagé dans ce dialogue, le comportement de la Chine empire. Comment le leader du gouvernement explique-t-il cela?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne partage pas entièrement l'analyse du sénateur selon laquelle la situation des droits de la personne en Chine empire. Il y a de nombreux cas en Chine où les actes d'un organisme public ne peuvent absolument pas être approuvés par un gouvernement canadien qui doit plutôt les dénoncer. Le sénateur en a cité dans cette enceinte l'exemple d'un domaine.
Comme dans d'autres pays, le principe des contacts et les efforts que nous avons déployés ne donnent peut-être pas tout de suite les résultats que nous escomptons tous, mais ils font progressivement avancer les choses. Ce genre de contacts finira par donner des résultats dans les nombreux secteurs que cite le sénateur.
Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, j'ai beaucoup de sympathie pour le ministre. Il expose manifestement ici la ligne de parti et il ne croit pas la moitié de ce qu'il lit, j'en suis sûr.
Voici le problème: je viens de poser une question sur un rapport de 70 pages du Département d'État américain qui traite en détail des exactions dirigées par la Chine contre ses propres citoyens.
Le leader ne croit-il pas que ces réunions devraient être publiques? Ensuite, ne serait-il pas utile que des parlementaires participent à ces réunions afin de pouvoir rapporter ce qui s'y passe?
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je prends au sérieux la suggestion du sénateur concernant l'élargissement du rôle des parlementaires dans certains de ces domaines et je la transmettrai au gouvernement.
Nous avons été témoins de changements incroyables dans le monde depuis 10 ans. En Europe de l'Est, la situation a changé d'une manière qu'aucun d'entre nous n'aurait cru possible il y a 10 ans. Les améliorations quant au respect des droits de la personne là-bas ont été significatives.
En Chine, toutefois, les progrès n'ont pas été aussi rapides que nombre d'entre nous l'auraient voulu. Le gouvernement du Canada a saisi toutes les occasions de faire valoir son point de vue sur le respect des droits de la personne et sur certains des incidents dont a parlé le sénateur.
Les contacts qui ont été pris et les efforts qui ont été déployés exerceront un effet bénéfique et feront progresser la question des droits de la personne. J'estime que le gouvernement poursuivra ces efforts, en tenant compte peut-être de la suggestion que le sénateur a faite au sujet de la participation élargie de parlementaires.
Le bilan de la Chine-Le rapport du Département d'État américain-La position du gouvernement
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada souscrit-il à l'évaluation du Département d'État qu'on trouve dans son plus récent rapport annuel sur la situation des droits de la personne en Chine, qui est extraordinairement pessimiste, selon laquelle les choses ne s'améliorent guère?L'évaluation du Département d'État est appuyée par des ONG comme Amnistie Internationale, Human Rights Watch, Asia Watch, entre autres. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le gouvernement du Canada partage le point de vue du Département d'État sur la situation des droits de la personne en Chine tel qu'exprimé dans son dernier rapport?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, avec l'indulgence du sénateur, je voudrais consulter quelques notes à cet égard.
Le Département d'État des États-Unis a annoncé, au cours d'une conférence de presse le 11 janvier 2000, que le gouvernement Clinton, à la suite d'une étude et d'une enquête réalisées par lui, comptait présenter une résolution sur la Chine à la prochaine séance des Nations Unies qui se tiendra à Genève. Selon les informations que j'ai, notre ministère des Affaires étrangères tient actuellement des consultations auprès d'autres pays pour déterminer la position que le Canada adoptera relativement à la résolution parrainée par les États-Unis. En plus des mesures qu'il pourrait prendre, le Canada continuera de faire pression afin d'obtenir une amélioration de la situation des droits de la personne en Chine.
(1530)
Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, comme d'habitude, le leader n'a pas répondu à la question, mais s'il examine la résolution des États-Unis, il saura qu'elle dénonce la situation des droits de la personne en Chine. Le gouvernement du Canada appuiera-t-il cette résolution? C'est aussi simple que cela.
Le sénateur Boudreau: J'ai indiqué que le gouvernement du Canada consulte actuellement d'autres pays au sujet de cette résolution.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ne pouvez-vous pas prendre votre propre décision?
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je ne sais pas si le gouvernement a indiqué officiellement quelle va être alors sa position.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est si typique!
Le sénateur Boudreau: Quelle que soit la décision qui sera prise, l'objectif sera d'améliorer la situation en Chine. La question est simplement de déterminer quelle est la tactique la plus efficace pour atteindre ce résultat.
Les ressources naturelles
La liquidation de la Société de développement du Cap-Breton-L'effet de la nouvelle technique de production de l'hydrogène à partir du charbon
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire qui fait suite à celles du sénateur Murray et du sénateur Buchanan sur le Cap-Breton. J'aimerais avoir des informations sur les gisements houillers de Sydney. Je ne les connais pas bien, mais, en tant qu'ingénieur des mines qui a travaillé dans les gisements houillers des Rocheuses, ceux de l'Est m'intéressent.L'une des choses qui ont fait leur apparition ces derniers temps est la pile Ballard, qui extrait l'hydrogène de l'huile hydrocarbure pour faire fonctionner les véhicules. Les études récentes montrent que le charbon pourrait être la meilleure source de combustible, et non pas le pétrole ou le gaz. En d'autres mots, le Cap-Breton pourrait finir par devenir une autre Arabie saoudite si ce type d'énergie l'emporte.
Je m'interroge sur l'analyse du gouvernement, sachant que les gouvernements ont quelquefois 20 ans de retard sur les dernières techniques. Lorsque le gouvernement a évalué le Cap-Breton, a-t-il pris en considération la toute récente technologie de la création d'hydrogène à partir du charbon? C'est certainement l'Afrique du Sud qui est en tête, actuellement, dans cette course technologique, mais l'activité à Vancouver et dans l'Ouest canadien est importante.
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis pas vraiment au courant de cette technologie, mais je sais qu'il est apparu de temps à autre au cours des dernières décennies diverses technologies et de nouvelles utilisations possibles pour le charbon. Comme le Cap-Breton recèle de grandes réserves de charbon, toute nouvelle technologie qui créera une demande pour cette ressource y sera perçue comme un signe positif.
La décision fondamentale - et je ne suis pas si certain que beaucoup de gens la désapprouveraient - est que le gouvernement du Canada ne devrait pas s'occuper d'exploitation houillère. Nous n'y avons pas bien réussi, et il y a d'autres exemples où le gouvernement s'est occupé d'affaires dont il n'aurait peut-être pas dû s'occuper. Si ce genre de technologie se présente, j'espère qu'elle sera utilisée au mieux par une entreprise du secteur privé solide, bien financée et ouverte sur l'avenir. C'est ainsi que les travailleurs et les habitants du Cap-Breton en bénéficieront au maximum.
[Français]
La sanction royale
Avis
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:RIDEAU HALL
Le 30 mars 2000
Monsieur le Président,J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Ian Binnie, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de Gouverneur général suppléant, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 30 mars 2000, à 17 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.
Le secrétaire du Gouverneur général,
Judith A. LaRocque
L'honorable
Le Président du Sénat
Ottawa
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le leader adjoint du gouvernement au Sénat pourrait-il passer en revue l'ordre des travaux du reste de la journée? Son Honneur le Président vient de dire qu'à 17 heures, le suppléant de la Gouverneure générale viendra donner la sanction royale. Tous les honorables sénateurs veulent savoir à quelle heure nous ajournerons pour accueillir le suppléant de la Gouverneure générale. Est-ce que ce sera à 16 h 45?Si l'on examine le Feuilleton, quel pourrait être l'ordre dans lequel les articles à l'ordre du jour seront appelés?
[Français]
J'aimerais souligner, pour le bénéfice de notre collègue le whip, que la responsabilité du quorum touche tous les honorables sénateurs. C'est un défi pour le whip du gouvernement parce qu'il est important de constituer un quorum pour la cérémonie de la sanction royale.
[Traduction]
Les honorables sénateurs trouveraient utile que le leader adjoint du gouvernement leur dise quel ordre des travaux il envisage. Reviendrons-nous après la sanction royale ou à 20 heures, ou bien déciderons-nous à 18 heures de ne pas tenir compte de l'heure?
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sait le chef adjoint de l'opposition, il est parfois difficile d'évaluer avec précision le temps que prendront les hommages, la période des questions et les déclarations de sénateurs, qui n'ont pas eu lieu aujourd'hui, à cause des prolongations qui sont souvent accordées.
Sous la rubrique des «Affaires du gouvernement», il y a le projet de loi C-9. En regardant l'horloge, je vois qu'il reste environ une heure et demie avant 17 heures, heure à laquelle nous suspendrons la séance pour attendre le représentant de la Gouverneure générale. Je pense que la cérémonie de la sanction royale prendra environ une demi-heure. Puisque qu'il y a un nouveau Gouverneur général en poste, il faudra lire le texte intégral des lettres patentes accréditant ses représentants de la Cour suprême du Canada.
Si nous voulons examiner sérieusement les questions figurant à l'ordre du jour aujourd'hui, le Sénat devra siéger après la sanction royale. Je propose que nous voyions alors où nous en sommes. Si, à 18 heures, le Sénat siège toujours, je propose que nous ne voyions pas l'heure.
Le sénateur Austin sera le premier à prendre la parole dans le cadre du débat sur le projet de loi C-9. Je ne sais trop si l'autre côté a une réponse à présenter. Le cas échéant, je pense que cela nous amènera près de 17 heures. Le sénateur Fraser parlera ensuite du projet de loi C-20. Je suppose que l'opposition ne demandera pas l'ajournement. Je pense qu'il ne s'agit pas d'un long discours. Le sénateur Moore voudrait parler du projet de loi C-10 à l'étape de la deuxième lecture.
(1540)
Je pense que le sénateur Tkachuk ne prendra pas la parole aujourd'hui relativement au point no 4, qui est inscrit à l'ordre du jour et qui concerne le projet de loi S-19, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Je sais que madame le sénateur Wilson veut prendre la parole. Si elle le fait, nous devrons veiller à ce que cela n'empiète pas sur les 45 minutes dont dispose le sénateur Tkachuk. Si cela nous mène à 18 h 30 ou 19 heures, je pense que notre journée tirera à sa fin, puisque, comme on l'a fait observer, les sénateurs doivent habituellement voyager aujourd'hui.
Il y a toutefois un discours que nous voudrions entendre. Je vois que le sénateur Angus est présent et je sais qu'il veut parler du projet de loi sur la responsabilité en matière maritime. Je ne connais pas trop ses projets de déplacement, mais s'il est ici, nous serons heureux d'écouter son intervention.
Pour l'instant, je demande la permission que toutes les questions restent au Feuilleton jusqu'à notre prochaine séance qui, même si je n'ai pas réglé cette question, aura probablement lieu mardi prochain, à 14 heures.
Honorables sénateurs, c'est ainsi, j'imagine, que nous allons procéder. Je présume que nous siégerons encore après 18 heures, mais pas au-delà de 19 heures. Bien entendu, il nous faudra pour cela obtenir la permission. Nous pouvons bien sûr choisir plutôt de revenir à 20 heures, mais je pense que ce serait vraiment un deuxième choix.
Je remarque que le whip est d'accord. J'espère que nous aurons le quorum.
Le sénateur Kinsella: Je voudrais remercier l'honorable leader adjoint du gouvernement de cette intervention. C'est utile pour tous les sénateurs de savoir comment se déroulera la séance.
Projet de loi sur l'Accord définitif nisga'a
Troisième lecture-Suspension du débat
L'honorable Jack Austin propose: Que le projet de loi C-9, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord définitif nisga'a, soit lu une troisième fois.- Honorables sénateurs, en amorçant le débat de troisième lecture du projet de loi C-9, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord définitif nisga'a, je voudrais clairement exposer ce que je me propose de faire à cette occasion. Je n'ai pas l'intention de répéter ou de résumer ce que j'ai dit à la Chambre le 16 décembre dernier au sujet du peuple nisga'a et de ses longs efforts en vue d'obtenir une solution juste à ses revendications et à ses droits. Je n'ai pas non plus l'intention de répéter ou de résumer ma position quant à l'ensemble ou à une bonne partie des enjeux que j'ai invoqués à ce moment-là. J'espère que tous les honorables sénateurs liront les observations que j'ai faites le 16 décembre au moment d'examiner cette mesure législative.
Ce que je me propose de faire aujourd'hui, c'est de passer en revue les preuves qu'ont présentées les témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Mon exposé comportera trois grands volets. Je voudrais d'abord souligner le travail du comité et décrire le contexte dans lequel se situe cette mesure législative en Colombie-Britannique.
Après le débat en deuxième lecture au Sénat sur le projet de loi C-9, l'Accord définitif nisga'a, qui avait débuté le 16 décembre 1999, le projet de loi a reçu un accord de principe et a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Les audiences du comité ont débuté avec le témoignage de l'honorable Robert Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord, le 16 février. Par la suite, le comité a entendu environ 30 témoins en plus de 25 heures de séance. Je crois que les membres du comité conviendront que les audiences ont donné à toutes les parties les mêmes possibilités de se faire entendre.
Je tiens à féliciter les honorables sénateurs qui font partie du comité des peuples autochtones pour leur célérité et leur zèle dans l'étude du projet de loi C-9. Le vice-président du comité, le sénateur St. Germain, qui est de la Colombie-Britannique, comme moi, a joué un rôle particulièrement actif et, sans négliger aucun aspect de la question, il a accordé une attention toute particulière aux revendications autochtones distinctes recoupant le même territoire. En tant que président du comité des peuples autochtones, je remercie tous les membres du comité pour leur soutien. Je tiens également à adresser les remerciements particuliers du comité aux sénateurs Grafstein, Lawson, Sparrow et Tkachuk, qui, même s'ils ne sont pas membres permanents du comité, ont participé à ses travaux comme s'ils en étaient. Leur contribution a été fort appréciée.
Les honorables sénateurs savent que le sujet du projet de loi C-9 a fait couler beaucoup d'encre en Colombie-Britannique. En un sens, c'est parce qu'il marque un changement historique dans plus de 100 ans de relations entre les autochtones et le reste de la population.
Le renforcement de l'identité nisga'a qu'apportera l'établissement de l'autonomie gouvernementale, le transfert de terres et de ressources ainsi que l'élimination des dispositions autoritaires de la Loi sur les Indiens devrait, dans l'avenir, donner à l'ensemble de la communauté autochtone un rôle plus important et plus influent dans les affaires publiques, sociales et économiques de la province. Certains habitants de la Colombie-Britannique ne se réjouissent pas du changement parce que, selon leurs convictions profondes et leurs valeurs politiques ou pour des raisons économiques, ils voient l'assimilation comme un objectif souhaitable, voire nécessaire, de la politique gouvernementale et sont donc hostiles à l'idée même d'une identité autochtone distincte et à l'existence d'une société collectiviste à l'intérieur de notre société plus individualiste. Le témoignage de Gordon Gibson a très bien fait ressortir ces arguments.
D'autres en Colombie-Britannique avaient accueilli favorablement le concept de l'Accord définitif nisga'a, mais n'y faisaient pas confiance parce que c'était la priorité législative d'un gouvernement provincial très impopulaire et dont on pourrait honnêtement dire qu'il était, dans toutes les affaires publiques, hautement controversé. Le gouvernement de Glen Clark est devenu impopulaire et controversé pour différentes raisons n'ayant rien à voir avec le dossier des Nisga'as, mais le ton général des affaires publiques en Colombie-Britannique n'incitait pas la population à appuyer cette initiative, ni aucune autre mesure du gouvernement. Le projet de loi était donc voué à la désapprobation politique sans véritable examen. C'est ainsi qu'il fut, lui aussi, victime des déboires du gouvernement Clark.
Malgré tout cela, lorsque Joseph Gosnell, du Conseil tribal des Nisga'as, l'honorable Jane Stewart, alors ministre des Affaires indiennes, et le premier ministre Glen Clark ont annoncé l'Accord définitif nisga'a, les sondages ont démontré qu'une majorité de Britanno-Colombiens approuvaient l'accord. Lorsque le gouvernement Clark a baissé dans l'estime du public, les sondages ont révélé un léger recul de l'appui à l'égard de l'accord.
Pour la population en général, malgré plus de 500 consultations communautaires en Colombie-Britannique, malgré un processus d'information ouvert, malgré le comité consultatif de négociation des traités où étaient représentées toutes les organisations importantes du secteur commercial de la province, soit 35 organisations en tout, malgré la participation de comités consultatifs de citoyens représentant la faune, la forêt, les pêches, les mines, le régime fiscal et l'autonomie gouvernementale, et malgré le rôle joué par les conseils régionaux dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique, où habitent les Nisga'as, ceux qui sont fondamentalement opposés au changement continueront de dire que la population n'a pas été informée ou consultée et n'a pas eu l'occasion de faire valoir ses opinions. Certains témoins nous ont fait ce genre de commentaires.
Il reste, bien entendu, un groupe de citoyens bien informés et sincèrement préoccupés par les dispositions précises du projet de loi C-9 et de l'Accord définitif nisga'a. Il faut répondre entièrement à leurs questions et expliquer aussi clairement que les communications humaines le permettent la nature et les objectifs du projet de loi. Durant les audiences, certains témoins ont questionné, approuvé ou contesté certains éléments clés de ce projet de loi. Je vais maintenant me pencher sur ces points.
Il y a tout d'abord le caractère constitutionnel du projet de loi. Relève-t-il de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui accorderait la protection constitutionnelle non seulement pour les revendications territoriales, mais aussi pour les dispositions sur l'autonomie gouvernementale? Ou bien s'agit-il d'une modification constitutionnelle qui exigerait, selon les lois de la Colombie-Britannique, la tenue d'un référendum favorable avant que l'assemblée législative ne donne son approbation?
Si on y voyait une modification constitutionnelle, les dispositions régissant les modifications de la Constitution s'appliqueraient si l'on veut que l'accord jouisse d'une protection constitutionnelle. Je ne crois pas que nous devions aller jusque-là.
(1550)
Abordant cette question, certains témoins, par exemple M. Alex Macdonald, ancien procureur général de la Colombie-Britannique, ont dit au comité qu'ils pourraient accepter l'Accord définitif nisga'a si l'article 35 ne s'appliquait pas et si l'accord reposait sur un pouvoir délégué et non sur une protection constitutionnelle. Dans le premier cas, le pouvoir de modifier l'Accord définitif nisga'a appartiendrait toujours au Parlement et à l'assemblée législative de la province. Aux termes de l'Accord définitif nisga'a, aucune modification ne peut se faire sans l'aval des Nisga'as. Pour qu'on puisse modifier cet accord sans l'approbation des Nisga'as, il faudrait modifier la Constitution.
Toutes les parties à l'accord ont accepté la position nisga'a: pour prévenir le risque de décisions ultérieures arbitraires, il fallait que l'accord revête un caractère de certitude au lieu d'être le jouet des revirements de l'opinion. La collectivité autochtone peut rappeler à cet égard une histoire regrettable. Il est même arrivé en Colombie-Britannique qu'on légifère pour l'empêcher de faire valoir ses droits devant les tribunaux.
D'autres témoins traitant de la question de l'article 35 ont fait valoir qu'aucune loi n'a encore déterminé que les dispositions relatives à l'autonomie gouvernementale de l'Accord définitif nisga'a peuvent faire l'objet d'une protection constitutionnelle aux termes de l'article 35.
Ceux qui ont dit que cette question était contestée, y compris l'ancien juge de la Cour suprême du Canada, l'honorable Willard Estey, ainsi que M. Mel Smith, un ancien conseiller constitutionnel du gouvernement provincial de la Colombie-Britannique, font valoir que la question est d'une importance telle que le projet de loi C-9 ne devrait pas être adopté par le Sénat, mais déposé, accompagné d'une demande invitant le gouvernement du Canada à le renvoyer à la Cour suprême pour obtenir son opinion.
L'honorable Robert Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, à l'occasion de sa deuxième comparution devant le comité le jeudi 23 mars, a défendu la constitutionnalité de l'Accord définitif nisga'a et déclaré que, selon le gouvernement, toutes ses dispositions jouiraient de la protection constitutionnelle de l'article 35, ce qui serait également nécessaire et souhaitable. Il a ajouté que le gouvernement n'avait aucunement l'intention de procéder à un renvoi à la Cour suprême du Canada.
Dans mon discours au Sénat le 16 décembre 1999, j'ai examiné de près la question de l'article 35 et cité le doyen Peter Hogg et le professeur Patrick Monahan, de l'Osgoode Law School, ainsi que le professeur Brad Morse, de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, comme étant des partisans de la thèse de la constitutionnalité du projet de loi C-9 aussi bien que de la protection que l'article 35 accordera à ses dispositions.
Devant le comité, les professeurs Bruce Ryder et Kent McNeil, de l'Osgoode Law School, ont fermement appuyé ces positions, à l'instar du professeur Doug Sanders, de la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique.
Mon point de vue sur la question de l'article 35 est, en somme, que la vaste majorité des avis des constitutionnalistes sont que le projet de loi C-9, l'Accord définitif nisga'a, est valide, qu'il ne constitue pas une modification de la Constitution du Canada et que les droits créés par le projet de loi C-9 doivent être protégés sur le plan constitutionnel par les dispositions de l'article 35.
Le point de vue que j'ai exprimé le 16 décembre dernier a été renforcé par des témoins et par les contributions aux travaux du comité, notamment celles des sénateurs Beaudoin, Andreychuk et Grafstein.
La deuxième question qui a beaucoup retenu l'attention est celle de savoir si un troisième ordre de gouvernement est créé, ce qui pourrait influer sur la répartition des pouvoirs énoncée aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, et pourrait être inconstitutionnel par sa nature même.
L'Accord définitif nisga'a fournit aux Nisga'as certains pouvoirs législatifs qui sont applicables à leur propre gestion interne. Ces pouvoirs touchent des questions comme l'éducation, la culture et les relations sociales entre les Nisga'as. Ce sont des pouvoirs concomitants, à certains égards, aux pouvoirs fédéraux et provinciaux et l'exercice de ces pouvoirs doit en tout temps respecter les normes fédérales et provinciales.
Lorsqu'il est question de savoir qui on reconnaît comme Nisga'a et d'autres questions semblables, les lois adoptées par les Nisga'as auront prépondérance, mais seulement si elles respectent la Charte canadienne des droits et libertés, qui est l'autorité suprême.
L'article 9 des dispositions générales de l'accord prévoit ce qui suit:
On précise clairement que la Charte va s'appliquer aux activités du gouvernement nisga'a, y compris sa compétence législative, et que la protection de la Charte sera offerte à toutes les personnes touchées par les décisions du gouvernement nisga'a.La Charte canadienne des droits et libertés s'applique au gouvernement Nisga'a concernant toutes les questions relevant de son pouvoir, eu égard au caractère libre et démocratique du gouvernement Nisga'a telles qu'énoncé dans l'Accord.
En ce qui concerne la notion selon laquelle toute compétence législative ne peut se retrouver que dans la Loi constitutionnelle de 1867, le professeur Sanders, de l'Université de Colombie-Britannique, a déclaré dans son témoignage:
L'année 1982 constitue donc un jalon dans la mesure où notre Constitution reconnaît notre passé colonial, et le fait qu'il continue d'exister au Canada des collectivités indiennes qui n'ont pas été assimilées et qui souhaitent continuer d'exister de façon autonome au sein de la société canadienne. La constitutionnalisation des droits des autochtones en 1982 signifiait la disparition de l'idée que la Constitution répartissait simplement les pouvoirs entre deux paliers de gouvernement.
Il a ajouté ensuite:
Nous avons aussi renoncé en 1982 à un autre principe fondamental, c'est-à-dire à celui de la suprématie du Parlement. La Charte modifierait de façon significative la vie constitutionnelle canadienne en imposant des limites aux pouvoirs des gouvernements fédéral et provinciaux, ce qui n'était absolument pas prévu dans la Loi constitutionnelle de 1867.
Les professeurs Ryder et McNeil ont fait des déclarations semblables, à l'instar du sénateur Beaudoin.
La troisième question importante à laquelle le comité a consacré beaucoup de temps est celle des revendications sur le chevauchement des terres. Les Nisga'as avaient conclu des ententes de délimitation et d'utilisation des terres avec les nations tahltan et tsimshian, mais l'accord définitif a été conclu sans que ces questions n'aient été réglées avec les nations gitksan et gitanyow.
Des revendications contradictoires ont été présentées par les Nisga'as, les Gitksan et les Gitanyow. On a présenté au comité des cartes géographiques, des données historiques et un bref exposé sur le déroulement des négociations ayant échoué. Elmer Derrick et Earl Muldon, connu sous le nom de Delgamuukw, représentaient les Gitksan. Glen Williams a présenté l'exposé principal au nom des Gitanyow. Nous avons également entendu Neil Sterritt, un Gitksan, qui était autrefois négociateur.
Comme je l'ai dit à ces témoins pendant les audiences, ni le comité ni le Sénat ne peuvent faire de la médiation ou de l'arbitrage dans un différend, ni y participer d'une autre façon. Nous pouvons être utiles si, avec l'exposé de revendications et de problèmes en public, la perspective d'un règlement est proche. Cependant, notre tâche est de déterminer si le projet de loi dont nous sommes saisis tient compte, d'une manière juste et équitable, des intérêts des intervenants et si, en fin de compte, le gouvernement du Canada, la Chambre des communes et l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique ont pris des décisions - car il incombe aux gouvernements et aux législateurs de décider - qui peuvent être justifiées comme étant dans l'intérêt public.
La politique que le gouvernement du Canada suit depuis de nombreuses années est celle-ci: dans la négociation de traités modernes, il est toujours préférable que les groupes autochtones dont les territoires traditionnels se chevauchent s'entendent entre eux sur l'utilisation à venir de ces territoires.
(1600)
Dans le témoignage qu'il a présenté le 23 mars, le ministre Nault a dit:
Je tiens à préciser que le gouvernement fédéral n'est disposé à aller de l'avant en l'absence d'une entente entre les parties que dans les cas suivants; le groupe qui s'apprête à obtenir un règlement a négocié de bonne foi avec l'autre partie; aucune mesure n'a réussi à régler le désaccord; enfin, le traité comporte un énoncé explicite à l'effet qu'il ne touche en rien les droits ancestraux ou issus des traités d'autres groupes autochtones. Dans sa politique à l'égard de ces chevauchements, le gouvernement fédéral reconnaît que dans l'éventualité d'une impasse, la seule solution est de négocier un traité avec chacune des parties à tour de rôle, tout en respectant les droits des autres groupes autochtones touchés.
J'aimerais vous faire remarquer que dans le cas de l'Accord définitif nisga'a, les Nisga'as et les Gitanyow ont signé le Northwest Treaty Accord de 1991 portant sur la propriété commune. De plus, les Nisga'as ont conclu des protocoles d'entente bilatéraux avec la nation tsimshian et les Tahltan. L'Accord définitif nisga'a comporte un énoncé explicite, dans les dispositiions générales qui ont préséance sur tous les autres chapitres, qui précise que ses dispositiions ne touchent pas les droits ancestraux ou issus des traités d'autres groupes autochtones.
Honorables sénateurs, les dispositions de l'Accord définitif nisga'a précisent bien que les frontières et les utilisations du territoire visé par l'accord nisga'a peuvent être modifiées avec le consentement des Nisga'as à la suite de négociations avec les nations tribales dont le territoire chevauche le leur, les Gitksan et les Gitanyow, ou par arbitrage. Si un tribunal décide qu'il y a eu erreur sur l'établissement des frontières du territoire nisga'a et si la preuve indique que ces terres appartiennent à une autre nation, les dispositions de l'accord donnent effet à la décision rendue par la cour. Ce sont les deux méthodes disponibles pour régler les questions de chevauchement de territoires. Certains disent que l'arbitrage peut être long et coûteux. En vertu de notre système, si les parties n'arrivent pas à s'entendre, les tribunaux trancheront. Ils sont notre recours pour un règlement pacifique des différends.
Le comité, comme le savent les honorables sénateurs, a décidé d'annexer des observations à son quatrième rapport. Dans ces observations, nous avons dit que, bien que nous soyons conscients que l'accord prévoit un règlement des revendications qui se recoupent et que nous le comprenons, nous sommes néanmoins préoccupés et nous prions instamment le gouvernement et les parties intéressées de mener des négociations rapides et ininterrompues en vue d'aboutir au règlement de ces revendications. Je parle ici des Nisga'as, des Gitksan et des Gitanyow, ainsi que du gouvernement du Canada et du gouvernement de la Colombie-Britannique. Nous faisons également état de la préoccupation du public en Colombie-Britannique en ce qui concerne le contexte plus général des revendications autochtones actuelles. Comme nous l'avons souligné dans nos observations, nous avons un processus de négociation qui, au fil du temps, mettra en cause au-delà de 50 Premières nations de la Colombie-Britannique. De nombreuses revendications qui se recoupent influeront sur ces négociations. En tant que membres du comité, nous estimons que le gouvernement du Canada, en particulier, devrait accorder la plus haute priorité aux négociations et à des systèmes de règlement qui peuvent comprendre la médiation ou peut-être l'arbitrage, si les parties intéressées sont disposées à emprunter cette voie.
Honorables sénateurs, de nombreuses autres questions ont été portées à l'attention du comité dans le cadre des témoignages que nous avons entendus, comme les questions liées aux droits de pêche, qui intéressent le sénateur Comeau. Il y a eu des questions au sujet de la définition du terme «citoyenneté» et des droits politiques des minorités non nisga'as, volet qui intéresse plus particulièrement le sénateur Grafstein. Il y a la question de la nature du gouvernement autonome nisga'a dans le contexte du fonctionnement; il y a eu aussi la question de l'utilisation des propriétés et des droits à ces dernières par les Nisga'as. Je ne chercherai pas aujourd'hui à statuer sur ces questions et d'autres aspects. À mon avis, ils ne constituent absolument pas un obstacle à cette mesure législative. Toutefois, il existe de l'information qui est à mon avis satisfaisante et que les honorables sénateurs peuvent obtenir s'ils le désirent.
Ma dernière observation à l'ouverture du débat en troisième lecture consiste à rappeler aux honorables sénateurs que l'Accord définitif nisga'a est le produit de nombreuses années de négociations, des négociations complexes parce qu'il a fallu satisfaire aux exigences du gouvernement du Canada, de la province de la Colombie-Britannique, des Nisga'as eux-mêmes et, chaque fois que c'était possible, des autres intervenants de la Colombie-Britannique. Il a fallu de nombreuses années pour aboutir à la conclusion qui nous est présentée. Nous représentons la dernière étape législative de ce processus. À ce titre, nous exerçons une responsabilité particulière sur le plan de la vigilance. À mon avis, nous avons une responsabilité particulière à l'égard des Nisga'as qui fait que nous devons traiter leur accord avec le gouvernement du Canada et la province de la Colombie-Britannique avec le plus grand sérieux et que nous devons l'appuyer et l'entériner.
Honorables sénateurs, voilà les remarques que je souhaite faire à ce point. J'attends avec impatience d'avoir l'occasion de conclure ce débat au cours des prochains jours.
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à l'honorable sénateur Austin. Comme il nous en a informés dans son discours, la principale préoccupation que j'ai a trait au chevauchement des territoires faisant l'objet de revendications, que je traiterai lorsque je parlerai au Sénat de cette importante mesure législative.
Il ne fait aucun doute que, pour les habitants de la Colombie-Britannique, c'est le début de négociations avec un nombre considérable de bandes autochtones dans la province, au moment où nous cherchons à établir des bases économiques et autres plus stables afin d'améliorer la situation de nos autochtones dans la province de la Colombie-Britannique.
J'ai informé l'honorable sénateur Austin de la question que je m'apprête à poser. J'ai fait cela parce que c'était juste. Il ne s'agit pas de fourberie ou d'opposition; il s'agit de trouver une solution et une certaine satisfaction pour tous les habitants de la Colombie-Britannique quant à ce que fait le gouvernement pour eux dans le cas présent. Dans de nombreux cas, les gouvernements font des choses aux gens plutôt que pour les gens. La plus grande préoccupation des non-autochtones ordinaires est la question de la responsabilisation. Ils veulent s'assurer que tous les autochtones en profiteront. Nous savons tous que les médias peuvent exploiter les manchettes, exagérer les faits et tenter d'accuser les chefs de bande d'être corrompus, etc. Cela arrive malheureusement, c'est un fait. De nombreuses bonnes personnes sont victimisées dans ces circonstances.
(1610)
On me demande souvent dans quelle mesure l'accord garantira qu'on rendra des comptes aux Nisga'as de la base de sorte que tous retireront de cet accord des avantages équitables. En l'occurrence, en ne déléguant pas, nous donnons une valeur constitutionnelle à la loi et à l'accord.
M. Jim Aldridge, homme bien informé sur la question, a déclaré que ce n'était pas différent du cas d'une municipalité. Lorsque j'ai demandé comment ils comptaient assurer la viabilité économique, on m'a répondu que ce serait par la voie de paiements de transfert du gouvernement aux bandes.
La question que j'ai posée au sénateur Austin en comité et que j'ai dit que je reposerais ici est: qu'est-ce qui assure un système de freins et contrepoids? Si, pour une raison ou une autre, et peu importe que les Nisga'as concluent d'autres ententes ou pas, nous négocions un jour une entente constitutionnelle, au même titre que l'accord définitif, pourrons-nous cesser le versement de fonds? En d'autres mots, par quels autres moyens peut-on assurer la viabilité économique? Quels sont les autres freins et contrepoids dont nous disposons?
Je sais que les Nisga'as ont répondu à cette question de leur propre point de vue en déclarant qu'il y aurait des freins et contrepoids dans leur constitution. Cependant, si nous assimilons leur situation à celle d'une municipalité, nous savons que, lorsqu'une municipalité est mal gérée, la province peut cesser de lui verser des fonds.
J'ai prévenu le sénateur Austin que j'allais poser cette question afin qu'il puisse y répondre. Où sont les freins et contrepoids? Qu'est-ce qui pourrait rassurer les Canadiens préoccupés par la situation, particulièrement ceux de la Colombie-Britannique, qui sont les plus directement touchés?
Le sénateur Austin: Dans sa brève question, l'honorable sénateur a utilisé les mots «responsabilisation» et «rendre des comptes» de tant de façons. Je me sens obligé de décomposer cette question.
Il y a l'expression «rendre des comptes» dans le sens comptable, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de déterminer à quoi sert l'argent et comment il est utilisé. Je crois que la constitution nisga'a et l'accord prévoient un système de comptabilité solide et adapté à la situation.
Le gouvernement nisga'a sera tenu de rendre des comptes au gouvernement de la Colombie-Britannique et au gouvernement du Canada sur l'utilisation des fonds qui lui seront versés. Il devra rendre compte de façon transparente et responsable au peuple nisga'a de son administration financière et comptable.
Le sénateur St. Germain a également utilisé le mot «comptable» au sens de répartition équitable des profits, ce qui ajoute une coloration plus politique de la définition de «responsabilité». La «responsabilité politique», c'est peut-être ce qu'il a voulu dire. Le gouvernement nisga'a sera un gouvernement populairement et démocratiquement élu. Il poursuivra des politiques de la même façon que tout autre gouvernement poursuit des politiques, à savoir en ayant à l'esprit ses électeurs. Je suppose que ce gouvernement tiendra compte de tous ses électeurs au moment de décider quels programmes il entend suivre, comment il va dépenser les derniers publics, dans quels secteurs il doit investir pour assurer le mieux-être de la communauté nisga'a. C'est une affaire de démocratie fondamentale, laquelle est une obligation qui incombe au gouvernement nisga'a lisims.
Pour les non-Nisga'as visés, le mot «comptable» s'entend également au sens de responsabilité politique. Le gouvernement nisga'a n'est pas un gouvernement qui conduire les affaires de la communauté nisga'a sans tenir compte de l'avis de ses voisins. Le gouvernement nisga'a fera partie intégrante du conseil régional de Kitimat et de la région du nord-ouest. Il entretiendra des relations avec ses voisins autochtones et non-autochtones dans les domaines des soins de santé, du développement régional, de la construction routière, des communications et dans toutes les autres sphères qui intéressent une communauté qui vit à l'intérieur d'une communauté plus grande.
Je crois que le gouvernement nisga'a lisims sera conscient du fait que la Colombie-Britannique et le Canada suivront de près la situation, puisqu'il s'agit là d'un changement majeur dans les relations entre la communauté autochtone et le reste de la population. La population sera désireuse de savoir si la mise en oeuvre de l'accord et les résultats obtenus sont à la hauteur des attentes. Politiquement parlant, je crois que le gouvernement nisga'a lisims comprendra clairement qu'il a une responsabilité politique, non seulement vis-à-vis ses membres mais également vis-à-vis les autres habitants de la Colombie-Britannique, vis-à-vis ceux qui vivent à proximité de leurs terres et vis-à-vis la communauté autochtone tout entière.
Telle est la réponse que je voudrais fournir à la question de l'honorable sénateur.
Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, nous connaissons fort bien les gens qui sont actuellement dans des postes de responsabilité. La question ne se pose pas quand tout va comme il se doit, elle se pose quand la responsabilité financière est en cause. Ma question se résume essentiellement à ceci: y a-t-il possibilité que des paiements de transfert soient retirés s'il y a absence de responsabilité financière au sein de ces nations? La province et le gouvernement fédéral ont le droit de retirer les fonds? Ma question concerne non pas la responsabilité politique, mais la responsabilité financière.
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, comme cette question exige une réponse très précise, je vérifierai les textes et je ferai savoir au sénateur St. Germain quelles sont les dispositions qui s'appliquent. J'aurai une réponse pour lui d'ici la fin du débat.
Le sénateur St.Germain: Je vous remercie.
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Austin en rapport avec le débat sur les compétences simultanées et la suprématie.
L'honorable sénateur a fait un bon rapport sur la question, mais les membres du comité étaient toujours divisés. Est-il vrai que certains experts en sont venus à la conclusion que cela respectait la Constitution? Malgré tout, je crois que certains sénateurs, des deux côtés du comité, n'étaient pas convaincus. Je crois qu'il existe un doute sérieux quand à la constitutionnalité de certains des articles qui confèrent la suprématie.
Ceci étant dit, je n'ai aucune hésitation à appuyer cet accord.
Que devons-nous faire à ce point-ci? Avons-nous l'intention d'aller de l'avant et de dire que, si la question de la constitutionnalité est soumise aux tribunaux, nous nous conformerons à la décision qui sera rendue? Ne serait-il pas préférable de poser des questions, comme le gouverneur en conseil a le droit de le faire, et de soumettre la question aux tribunaux avant d'adopter ce projet de loi et de lui donner la sanction royale? Peut-être les tribunaux en sont-ils déjà saisis. Toutefois, puisque le doute persiste, je crois qu'on devrait éclaircir la situation.
Le reste du projet de loi ne me cause pas de problème. Je suis tout à fait d'accord avec les droits issus de traités mentionnés dans l'accord et avec l'interprétation généreuse de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Toutefois, ce n'est toujours pas clair dans mon esprit. Ai-je bien compris qu'on ne tiendra pas compte de ce doute?
(1620)
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je sais que c'est une question que l'honorable sénateur a soulevée au comité. Je suis persuadé que le Canada et la Colombie-Britannique ont le pouvoir constitutionnel d'accorder ces pouvoirs qui sont conférés au gouvernement nisga'a dans le projet de loi C-9. Dans l'affaire Delgamuukw, il était implicite dans la définition donnée par la cour aux titres autochtones qu'il y avait un droit à se gouverner collectivement. Il est question d'un droit à l'autonomie gouvernementale qui concerne l'utilisation et la répartition des terres et la régie des affaires de la collectivité. Avec cette observation implicite, je crois qu'il y a une base constitutionnelle pour cette disposition.
Je n'ai pas un exemple concret, pas plus que le sénateur Beaudoin.
L'honorable Lowell Murray: Mais il veut en créer un.
Le sénateur Austin: Nous défendons nos arguments de façon implicite. La loi modifie le sens des lois, et des décisions doivent être prises. Les parties à cette entente trouvent tout à fait dans leur intérêt de fournir au gouvernement nisga'a la capacité de gouverner dans certains domaines étroits - je pense qu'il est question de 14 domaines - où la législation fédérale et provinciale n'aurait pas prépondérance, lorsqu'il est question d'autonomie gouvernementale touchant l'éducation et la culture.
Le sénateur Beaudoin: Je voudrais préciser que jusqu'à maintenant, la Cour suprême n'a jamais dit qu'il y avait une chose comme un troisième ordre de gouvernement. Elle pourrait affirmer cela à l'avenir, mais elle ne l'a pas encore fait. À mon avis, nous sommes divisés là-dessus. Je ne pense pas que le libellé actuel de l'article 35 couvre un droit inhérent à un troisième ordre de gouvernement. Si la cour affirme cela, je me plierai à sa décision. Cependant, elle n'a pas encore dit cela.
J'ai lu les cas mentionnés et il n'est dit nulle part qu'il existe un troisième ordre de gouvernement aux termes de l'article 35. Nous avons un doute sérieux. En fin de compte, seuls les tribunaux peuvent trancher la question. J'ai l'impression que c'est ce qui va se produire.
Le sénateur Austin: Je voudrais répondre à votre observation, sénateur Beaudoin, en précisant clairement que toutes les autorités en matière constitutionnelle qui ont parlé en faveur du projet de loi ont déclaré que l'affaire Delgamuukw a établi que l'autonomie gouvernementale relèverait de la définition de l'article 35. Cependant, la cour a déclaré qu'elle ne pouvait trancher la question en fonction de revendications larges. Elle a exhorté les parties à négocier les questions en jeu dans le cadre de l'autonomie gouvernementale et elle a demandé que des accords soient conclus. La cour ne peut se pencher sur une revendication large, mais elle peut s'arrêter sur les pouvoirs précis qui sont créés dans le cadre de la notion d'autonomie gouvernementale pour les collectivités autochtones.
Je suis d'accord avec l'honorable sénateur. Nous répondons aux instructions de la cour. Cependant, la cour n'a pas déterminé entièrement ni définitivement quelle était l'ampleur des pouvoirs du gouvernement sous le régime de l'article 35. Les législateurs ont pour devoir de légiférer. Si la cour a une autre opinion sur la question, nous allons certainement en entendre parler, comme le dit l'honorable sénateur, et nous devrons nous y adapter.
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais poursuivre la question précédente. L'article 35 et la question de l'autonomie gouvernementale ont inquiété plusieurs d'entre nous tout au long des audiences de notre comité. Nous avons entendu les professeurs de droit de Osgoode Hall parler de cette nouvelle théorie de droit constitutionnel à laquelle le gouvernement souscrit manifestement maintenant. Lorsque j'ai demandé à M. Molloy pourquoi les règles décrivant l'autonomie gouvernementale avaient été inscrites dans le traité de manière qu'elle cadre avec l'article 35 au lieu d'être déléguée, il a dit que c'était parce qu'on avait insisté pour qu'il en soit ainsi. Il est évident que le gouvernement a dit qu'il irait dans cette direction.
Les témoins du gouvernement n'ont pas abordé de façon satisfaisante la question des compétences simultanées, pas plus que les professeurs de Osgoode Hall qui ont cette intéressante théorie de droit constitutionnel. Si le gouvernement libéral ne reconnaît pas maintenant que les compétences simultanées appartiennent à ce que j'appelle ce nouveau troisième ordre de gouvernement en matière d'éducation, de culture et le reste, ces compétences sont très vastes. Elles sont tirées des textes de 1867 et des années antérieures, ce qui explique pourquoi elles sont simultanées. Le gouvernement du Canada reconnaît-il le fait que le concept de compétences simultanées en matière de défense, de communications et autres domaines - des domaines que les gens trouveraient totalement incroyables, mais c'est là la conclusion logique - représente la voie dans laquelle nous nous engageons? Est-ce que des compétences simultanées en presque tous les domaines d'activité du gouvernement peuvent découler des articles 91 et 92 et figurer dans de futurs traités pour être ensuite «constitutionnalisées» en vertu de l'article 35?
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je reconnais la question du sénateur Tkachuk, car il l'a posée aux spécialistes au cours des audiences du comité. J'aimerais répondre à l'honorable sénateur de la façon suivante.
L'article 35 fait partie de la Constitution du Canada. En créant l'article 35, le gouvernement fédéral et les provinces ont accepté que soient limités leurs pouvoirs conférés en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, dans laquelle tous les pouvoirs étaient conférés au gouvernement fédéral ou aux gouvernements provinciaux, aux termes des articles 91 et 92. L'article 35 dit que, en vertu de notre Constitution, les droits autochtones doivent être pris en compte dans l'exercice de tout pouvoir législatif par le gouvernement fédéral et les provinces. Ces droits ont été protégés d'abord par la Proclamation royale de 1763, puis tous les droits existants ont été protégés en 1982. Une disposition de la Constitution disait clairement que des droits plus vastes, et pas uniquement des droits historiques, pouvaient être créés par ces gouvernements fédéral et provinciaux, et que, une fois créés, ces droits seraient protégés par l'article 35. Il existe ici une approche évolutive non seulement dans l'élaboration des lois, mais également dans les avis juridiques de la Cour suprême du Canada. À un autre moment, peut-être dans mon mot de la fin, je ferai peut-être référence à quelques-uns de ces avis de la Cour suprême du Canada.
(1630)
Enfin, pour répondre aux observations du sénateur, je présume que, si le gouvernement fédéral ou un gouvernement provincial acceptait d'accorder des pouvoirs plus vastes que ceux qui existent dans l'Accord définitif nisga'a, ces pouvoirs feraient partie de ces droits autochtones. Cependant, rappelons-nous que la condition préalable est l'approbation du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement provincial.
D'autres négociations auront lieu avec des autochtones. Il y aura des différences dans la forme et dans la nature des projets de loi dont nous serons saisis, en ce qui a trait aux droits qu'une collectivité autochtone voudra exercer. Cependant, nous ne serons saisis d'un projet de loi, à moins que le gouvernement du Canada et celui d'une province ne l'acceptent et ne l'adoptent à l'assemblée législative de la province et à la Chambre des communes.
Je ne crois pas que, dans le pire des cas, nous ayons à craindre pour l'instant que des politiciens de l'avenir n'agissent à l'encontre de l'intérêt public de l'époque en ce qui concerne ce projet de loi.
Le sénateur Tkachuk: Le scénario que je redoute le plus concernant les futurs politiciens est parfaitement illustré dans ce projet de loi.
J'ai assisté aux réunions de 1982 et 1983. Je pense que l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau serait très étonné de voir ce que renferme ce projet de loi. Je ne pense pas qu'on visait vraiment le droit à l'autonomie gouvernementale. Je me souviens quand ces droits ont été inscrits dans l'Entente de Charlottetown. Jusqu'à la rédaction de l'Entente de Charlottetown, les gouvernement tenaient pour acquis que ces droit n'existaient pas. Ce devait être le cas, autrement, pourquoi aurait-on inclus ces droits dans l'Entente de Charlottetown?
Je m'inquiète pour l'avenir parce que je sais ce que le présent fait du passé. C'est pourquoi je m'inquiète.
Si je ne m'abuse, le libellé du projet de loi sur le traité des Nisga'as ressemble beaucoup à celui de l'Entente de Charlottetown. Les Canadiens et toutes les réserves indiennes au Canada ont rejeté cet accord. D'abord, je ne suis pas la logique de l'argument de 1982-1983, selon lequel le traité a pris de l'ampleur, puis s'est arrêté, et nous avons eu l'Entente de Charlottetown. Les Canadiens ont rejeté cet accord, le traité a repris de l'importance et il revient aujourd'hui fondé sur quelque chose qui s'est produit en 1982 et qui a été rejeté avec l'Entente de Charlottetown. Voilà ce qui m'inquiète. Je crains ce que vont faire les futurs politiciens en se fondant sur cet accord.
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je ferai officiellement mes observations en ce qui concerne les remarques du sénateur Tkachuk.
Le projet de loi C-9 est conforme aux paramètres de l'article 45 de l'accord de Chalottetown. Les premiers ministres provinciaux et le gouvernement du Canada voulaient rédiger précisément une mesure législative accordant l'autonomie gouvernementale aux communautés autochtones dans certaines circonstances. L'accord a échoué, avec éclat, pour une raison ou une autre. Les historiens en débattront pendant longtemps. Je doute que l'échec puisse logiquement être attribué à l'article 45.
Je n'ai pas participé aux discussions menant à l'élaboration de l'Entente de Charlottetown ou de l'accord entre le gouvernement fédéral et les provinces. En ce qui concerne l'Entente de Charlottetown, le sénateur Murray y était et il serait peut-être le mieux placé pour expliquer l'objectif visé à l'époque.
On m'a dit que c'était pour plus de certitude. Je faisais partie du Cabinet de l'ancien premier ministre Trudeau. En 1980 et 1981, j'ai siégé pendant six mois au Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes sur la réforme constitutionnelle qui, comme je l'ai dit plus tôt, était coprésidé par l'actuel sénateur Serge Joyal.
J'ai cru comprendre que le paragraphe 45 créerait une base pour les autochtones, qui seraient ainsi mieux protégés par la Constitution. Je me suis entretenu au cours des derniers mois du projet de loi C-9 avec l'ancien premier ministre Trudeau. Ce projet de loi lui plaît beaucoup.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, le temps qui avait été alloué au sénateur Austin a expiré.
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je demande la permission d'avoir un peu plus de temps pour pouvoir répondre aux autres questions.
Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
L'honorable Herbert O. Sparrow: Le sénateur Austin a fait référence dans son intervention aux enquêtes qui avaient été effectuées en Colombie-Britannique. Il a dit que les résultats de ces enquêtes indiquaient que les habitants de la Colombie-Britannique étaient en faveur de l'accord. Le sénateur peut-il nous donner plus détails au sujet de ces enquêtes, à quelle date elles ont été effectuées et quels ont été les résultats? Les résultats des enquêtes que j'ai vus passer sur mon bureau ne coïncident pas avec ce qu'a dit le sénateur.
J'ai une autre question. Le sénateur souhaite-t-il que je pose toutes les questions que j'ai à poser maintenant?
Le sénateur Austin: Je pense que je devrais d'abord répondre à la première question du sénateur. Je n'ai pas les documents sous la main, mais je me les procurerai.
Quand les deux gouvernements et le conseil tribal nisga'a ont annoncé l'accord, il y a eu une enquête dont les résultats ont été positifs. Si mes souvenirs sont exacts, à peu près 54 ou 55 p. 100 des répondants étaient en faveur de l'accord. Quand le gouvernement de la Colombie-Britannique a mis fin au débat à l'assemblée législative, l'opinion populaire favorable avait baissé d'environ 8 ou 9 p. 100.
Je chercherai les documents.
Le sénateur Sparrow: Il y a un écart entre le moment où la proposition initiale a été faite et celui où l'accord final est intervenu. Les gens devraient avoir eu la possibilité d'examiner de plus près l'accord final. Cela aurait été utile.
Le sénateur a aussi dit que selon la plupart des témoins, il ne s'agissait pas d'un changement constitutionnel. Je crois bien que c'est ce qu'il a dit.
Le sénateur Austin: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que selon la plupart des spécialistes du droit constitutionnel qui ont comparu devant le comité, le projet de loi C-9 est constitutionnel et les dispositions gouvernementales seraient protégées par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Le sénateur Sparrow: Le sénateur Austin peut-il fournir une liste indiquant quels témoins ont été invités à comparaître, quels témoins ont accepté et quels témoins ont demandé à comparaître devant le comité?
Le sénateur Austin: Je ne comprends pas la question.
Le sénateur Sparrow: Le comité directeur a invité des gens à comparaître sans qu'on lui ait demandé de le faire. Il y a des gens qui ont demandé à comparaître devant le comité. J'aimerais avoir une liste de ces témoins. Je demande cela parce qu'il est facile, si on le veut, d'obtenir, dans un cas donné, une prédominance de témoins pour favoriser un certain point de vue.
(1640)
Je sais que des témoins se sont vu refuser une invitation à comparaître devant le comité pour toutes sortes de raisons. Il se pourrait très bien qu'il y ait une différence dans la prépondérance des témoins qui ont comparu en raison des invitations qui ont été faites.
Le sénateur Austin: L'honorable sénateur a le droit d'avoir sa propre opinion. Mon opinion - et je pense que c'est celle de tous les membres du comité - est que nous avons entendu tous les témoins pertinents en ce qui concerne toutes les questions. Il y a peut-être quatre ou cinq témoins qui ont demandé à comparaître et dont le comité directeur a estimé que le témoignage ne porterait pas directement sur l'objet du projet de loi C-9 ou qu'ils répéteraient simplement ce qu'avaient déjà dit d'autres témoins.
Je peux dire aux honorables sénateurs, par exemple, que Lerry-Lynne Findlay, c.r., qui représente les locataires de Musqueam, à Vancouver...
Le sénateur St. Germain: Elle vit là-bas.
Le sénateur Austin: ... a demandé à comparaître. J'ai eu une discussion avec elle. Elle voulait donner un témoignage fort semblable à celui qu'elle avait donné lorsque le projet de loi C-49 était à l'étude au Sénat. Elle voulait essentiellement dire qu'un gouvernement autochtone pouvait être très arbitraire dans sa façon d'utiliser ses pouvoirs. Le Sénat possède déjà cette déposition dans le cadre du débat sur le du projet de loi C-49. J'ai discuté de la question avec elle et elle a accepté de ne pas comparaître.
Il y en a d'autres. Si mon honorable collègue a des noms, je lui dirai volontiers pourquoi nous avons décidé de ne pas les inviter comme témoins.
Le sénateur Sparrow: Honorables sénateurs, j'aimerais obtenir un éclaircissement de la part de l'honorable sénateur Austin. Je lui ai demandé de l'information au sujet des gens qui ont été invités à participer aux audiences du comité et des personnes qui ont demandé directement à comparaître. Peut-il me fournir cette information?
Le sénateur Austin: Je vais demander au greffier du comité de remettre à mon honorable collègue trois listes: celle des personnes auxquelles le comité a demandé de comparaître; celle des personnes invitées parce qu'elles se sont dites intéressées à comparaître; et celle des personnes des deux catégories qui n'étaient pas disposées ou qui n'avaient pas été invitées à comparaître.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, d'abord et avant tout, je tiens à féliciter tous les membres du comité pour leur travail assidu et éclairé concernant une mesure législative très complexe et difficile, reposant comme c'est le cas sur un traité très compliqué et, à bien des égards, novateur. Au nom de toute la Chambre, je tiens à remercier le sénateur Austin - et ses collègues - du fait que le comité a été en mesure d'accomplir un travail aussi détaillé. Toutefois, j'ai quelques questions qui s'adressent à l'honorable sénateur Austin.
Premièrement, quel est le point de vue du comité au sujet de la possibilité d'abroger le projet de loi C-9, si jamais il vient à faire partie des lois du Canada?
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit dans mon discours, le projet de loi C-9 est protégé par les dispositions de l'article 35. Que veut dire le sénateur Kinsella lorsqu'il parle de la possibilité de l'abroger? Veut-il dire d'abroger tout l'accord ou plutôt d'y apporter des changements concernant certaines de ses dispositions? Peut-il m'éclairer à ce sujet?
Le sénateur Kinsella: Si jamais le projet de loi que nous étudions est adopté par le Parlement et devient de ce fait une loi, cette dernière peut-elle être abrogée?
Le sénateur Austin: Ma réponse est non. Ce Parlement ne pourrait, à lui seul, modifier la force exécutoire du projet de loi C-9 devenu loi, pas plus que ne le pourrait l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Les Nisga'as eux-mêmes ne pourraient pas désavouer cette mesure législative.
La seule méthode constitutionnelle qui permettrait d'abroger la loi issue du projet C-9 est la modification constitutionnelle, conformément aux dispositions de la Loi constitutionnelle. Il faudrait que la modification soit adoptée par le Parlement fédéral et les assemblées législatives de sept provinces représentant plus de 50 p. 100 de la population.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, si nous étudions une mesure législative unique qui véhicule une possible annihilation d'une partie du principe de la suprématie parlementaire en vigueur depuis la Loi constitutionnelle de 1982, les circonstances n'exigent-elles pas que nous soyons absolument certains - ou du moins le plus certains possible - que cette mesure législative adoptée en cette Chambre sera constitutionnellement pure, sinon constitutionnellement aussi sûre qu'elle peut humainement l'être?
Je n'ai pas lu tous les mémoires présentés par les témoins, que ses membres ont eu le temps d'examiner, mais j'ai lu le mémoire de l'ancien juge Estey. Je l'ai même lu trois ou quatre fois. L'ancien juge Estey y affirme que ce projet de loi, s'il était adopté, serait inconstitutionnel. J'ai été ébranlé de lire une telle chose. Je suis inquiet car le sénateur Austin vient de me dire qu'il serait impossible d'abroger ce projet de loi une fois celui-ci adopté. Le comité du sénateur a-t-il étudié cette question? Dans l'affirmative, comment en est-il arrivé à conclure que l'obligation de cette Chambre de veiller à ce qu'un projet de loi atteigne le plus haut degré de certitude ou de perfection possible a été respectée, au moment où nous allons adopter une mesure législative qui, selon les propres mots du sénateur, ne pourra être abrogée que par modification constitutionnelle?
Le sénateur Austin: Je remercie l'honorable sénateur de cette question.
Aux termes des dispositions du projet de loi et de l'Accord définitif nisga'a, toute partie de ce texte qui est jugée inconstitutionnelle sera mise de côté, mais le reste de l'accord demeurera tel quel. La partie jugée inconstitutionnelle fera donc l'objet de négociations supplémentaires entre les parties. Je ne crois pas que nous soyons en train de créer un événement horrible ici.
Je conviens avec le sénateur Kinsella que c'est un progrès important en droit et en pratique constitutionnelles au Canada et qu'il est du devoir du Sénat de bien comprendre ce qu'il légifère au juste. Nous devons nous assurer, pas complètement et finalement, car un tel degré de perfection ne peut jamais être atteint nulle part, mais, en définitive ou même compte tenu de la prépondérance de la preuve, que ce projet de loi est constitutionnel. Je crois certes, compte tenu de la prépondérance de la preuve de la «bande» d'Osgoode Hall, pour reprendre un mot qui a été employé plus tôt, et d'autres preuves, que c'est constitutionnel.
Toutefois, j'ajouterai que, dans le jugement Sparrow, le tribunal s'est réservé la doctrine de l'arbre en ce qui concerne la constitutionnalisation des droits des autochtones. Je sais que mon collègue connaît bien cette disposition. Les droits des autochtones seront examinés de temps à autre en fonction de l'époque. Il n'y a donc pas de droits absolus, rien que des droits relatifs.
Je crois que, compte tenu de ces protections, nous avons un bon projet de loi.
(1650)
Le sénateur Kinsella: J'en remercie le sénateur. Tout comme le sénateur, j'ai eu l'honneur de participer, en tant que conseiller du gouvernement du Nouveau-Brunswick, aux discussions constitutionnelles de la fin des années 70 et du début des années 80. J'ai dans mon bureau une photographie de sénateurs qui y ont participé à l'époque, dont le sénateur Austin.
J'accepte la doctrine de l'arbre, la doctrine de la croissance et de l'ouverture à des principes qui n'ont pas été définis en substance par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
À propos d'autonomie gouvernementale des autochtones et pour étoffer cette cause dans la première partie du XXIe siècle, le comité a-t-il songé qu'il serait plus prudent de ne pas sceller la boîte, mais d'employer plutôt des techniques comme la délégation pour en permettre le peaufinage et l'amélioration au moyen d'une approche plus accessible au sein du Parlement qu'une modification constitutionnelle?
Le sénateur Austin: Nous avons entendu des témoignages et examiné les questions touchant la délégation de pouvoirs et la protection assurée en vertu de la Constitution. Nous avons examiné l'élément central de l'accord à cet égard, à savoir l'insécurité dans laquelle vivrait toute partie se trouvant dans la position des Nisga'as, compte tenu de la façon dont les assemblées législatives ont traité leur communauté et les autres communautés autochtones au cours des 100 dernières années. J'ai déjà mentionné que la communauté autochtone de la Colombie-Britannique s'était vu refuser le droit le plus fondamental, soit l'accès aux tribunaux. Dans ce cas-ci, on a beaucoup négocié et on a fait bien des compromis pour en arriver à cet accord compliqué. Les gouvernements fédéral et provincial ont jugé souhaitable d'accorder aux Nisga'as la protection de la certitude - avec les réserves que j'ai déjà formulées quant aux moyens de modifier ou de renégocier l'accord.
J'appuie très fortement cette disposition. Je n'ai rien contre le partage des pouvoirs entre les articles 91 et 91. Nous avons pris cette décision en 1982. D'aucuns voudraient abroger l'article 35. Ils s'appuient sur des propositions qui ne reconnaissent même pas son existence.
En ce qui concerne le dernier point du sénateur Kinsella, en ce qui concerne le juge Estey, son argument tenait à ceci: nous sommes dans l'incertitude, le projet de loi est capital et les tribunaux devraient en être saisis. Cependant, comme on l'a signalé pendant les délibérations, le Parlement est le plus haut tribunal du Canada, et c'est à lui de décider.
Le sénateur Lynch-Staunton: Que dire de la Cour suprême?
Le sénateur Austin: Le Parlement est le plus haut tribunal du Canada, quoi qu'en pense le sénateur Lynch-Staunton.
Je pense que nous agirons dans l'intérêt de la population en adoptant ce projet de loi. S'il faut se soustraire à l'application d'une disposition constitutionnelle, ce qui ne sera pas nécessaire, à mon avis, il y a un mécanisme qui est prévu pour cela.
Le sénateur Murray: Puis-je revenir sur cette question après la sanction royale?
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, il est 17 heures, et la sanction royale est censée avoir lieu maintenant. Le Président sera de retour au fauteuil après la sanction royale, et c'est lui qui décidera s'il y aura d'autres questions.
Le sénateur Kinsella: Qu'est-ce à dire, c'est lui qui va décider? C'est le Sénat qui va décider.
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous avons convenu de suspendre la séance à 17 heures pour la sanction royale.
C'est un échange fascinant et extraordinaire. Je ne pense pas que d'autres sénateurs en face veuillent prendre la parole aujourd'hui. Ai-je raison?
Le sénateur Lynch-Staunton: Nous avons des questions à poser au sénateur Austin.
Le sénateur Hays: Afin de faciliter les travaux du Sénat, je propose que nous reportions le débat sur cette question et que, la prochaine fois que ce point sera appelé à l'ordre du jour, nous poursuivions cet échange productif et important. Il y a d'autres points à l'ordre du jour que nous espérions aborder et, en agissant ainsi, on réglerait le problème tout en permettant à la sanction royale d'avoir lieu.
Le sénateur Kinsella: Comme tous les honorables sénateurs le savent, l'opposition est toujours conciliante, compréhensive et extrêmement généreuse. Le sénateur Austin a accepté cordialement de nous aider à comprendre les témoignages que lui et ses collègues ont entendus sur cette question très importante. Je n'ai pas lu tous les témoignages que nos collègues ont entendus au sein du comité. Il n'y a que le président du comité qui puisse répondre à bon nombre des questions soulevées. Il a présenté le rapport et en a parlé, et nous avons bien des questions à poser.
Si le leader adjoint du gouvernement propose qu'au lieu de poursuivre le débat sur cette question après la sanction royale, nous reprenions le débat sur le projet de loi C-9 mardi, nous sommes d'accord.
Le sénateur Hays: Merci. Donc, lorsque le projet de loi figurera à l'ordre du jour, nous poserons des questions au premier sénateur qui prendra la parole à la troisième lecture.
Êtes-vous d'accord, sénateur Austin?
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, mon obligation première est de parrainer ce projet de loi. Je reviendrai à mon siège mardi. Si des collègues me font parvenir leurs questions entre-temps, je pourrai leur répondre plus rapidement. Je ne prétends pas tout savoir sur ce projet de loi complexe. Je tente de l'expliquer de mon mieux. Je soumettrai à des spécialistes certaines des questions qui m'ont déjà été posées. Il serait utile qu'on me prévienne des autres questions qui seront posées.
Le sénateur Hays: Puisque le sénateur Austin ne s'oppose pas à notre entente, si tous les autres sénateurs sont d'accord, je propose que nous suspendions la séance et que nous passions au deuxième article des initiatives ministérielles.
[Plus tard]
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, voici l'entente qui se dessine. Il n'y a plus de questions pour le sénateur Austin et les honorables sénateurs sont prêts à passer aux autres points à l'ordre du jour.
Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, lorsque l'ordre du jour appellera l'étude du projet de loi C-9 au cours de la prochaine séance du Sénat, nous avons convenu de reprendre là où nous l'aurons laissée lorsque la séance du Sénat aura été suspendue. Le sénateur Austin a eu la gentillesse d'accepter d'être ici, à ce moment-là, pour continuer de répondre aux questions des honorables sénateurs.
Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(Le débat est suspendu.)
(Le Sénat s'ajourne à loisir.)
[Français]
(1710)
Sanction royale
L'honorable Ian Binnie, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa capacité de suppléant de la Gouverneure générale, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son vice-président. Son Honneur le Président dit:J'ai l'honneur de vous faire savoir qu'il a plu à Son Excellence la Gouverneure générale d'ordonner l'émission de lettres patentes sous ses seing et sceau constituant l'honorable Ian Binnie, juge puîné de la Cour suprême du Canada, son suppléant, et le chargeant d'exécuter au nom de Son Excellence, tous les actes nécessaires, au gré de Son Excellence.
Le greffier du Sénat donne lecture de la commission.
Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence la Gouverneure générale de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:
Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence (Projet de loi C-7, Chapitre 1, 2000)
Loi modifiant le Code criminel (fuite) (Projet de loi C-202, Chapitre 2, 2000)
Loi modifiant la loi constituant en personne morale le Conseil des anciens de la section canadienne de l'Église morave d'Amérique (Projet de loi S-14)
L'honorable Peter Milliken, vice-président de la Chambre des communes, s'adresse ensuite à l'honorable suppléant de la Gouverneure générale en ces termes:
La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.Qu'il plaise à Votre Honneur.
Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Honneur les projets de loi suivants:
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2000 (Projet de loi C-29, Chapitre 03, 2000)
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2001 (Projet de loi C-30, Chapitre 04, 2000)
À ces projets de loi, je prie humblement Votre Honneur de donner la sanction royale.
Il plaît à l'honorable suppléant de la Gouverneure générale de donner la sanction royale aux projets de loi.
La Chambre des communes se retire.
Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence la Gouverneure générale de se retirer.
[Traduction]
(1720)
Le Sénat reprend sa séance.
Visiteurs de marque
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de poursuivre, je vous signale la présence à notre tribune d'invités spéciaux. Un certain nombre de députés sont présents, notamment M. Dan McTeague, qui est le parrain d'un projet de loi spécial que nous avons adopté aujourd'hui.Il est accompagné de quelques invités qui s'intéressent particulièrement au projet de loi. Il s'agit de M. Syd et de Mme Jenny Bowman et de Mme Karen Kalverda, les parents et la soeur de Sarah Bowman, de la région de Toronto, qui a été tuée par un individu au volant d'une voiture poursuivie par la police.
D'autres députés de la Chambre accompagnent M. McTeague. Ce sont Albina Guarnieri, Joe Jordan et d'autres.
[Français]
Nous avons parmi nous M. Raymond Bonin, député de Sudbury, ainsi que le sénateur Marie-P. Poulin, de la région de Sudbury. Ils ont invité aujourd'hui des membres de la famille d'un policier qui a été tué dans l'exercice de ses fonctions dans des circonstances semblables.
[Traduction]
Il s'agit de Mme Corinne Fewster-McDonald, la femme d'un policier de la région de Sudbury qui a été tué dans l'exercice de ses fonctions. Mme Fewster-McDonald est accompagnée de membres de sa famille, Marcel et Mariette McDonald.
De plus, nous avons un groupe de policiers représentant l'Association policière de la région de Sudbury, qui sont venus de Sudbury pour cette occasion spéciale.
Des voix: Bravo!
Son Honneur le Président: Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada pour cet important événement.
Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec
Deuxième lecture-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.
L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, j'avais l'intention de prendre la parole sur le projet de loi C-20 seulement plus tard au cours du processus, et c'est toujours mon intention. Cependant, il me semble que deux ou trois petites choses méritent d'être dites maintenant.
[Français]
J'ai écouté et j'écouterai avec grand intérêt les arguments juridiques. Ils sont extrêmement importants. Nous sommes des législateurs et nous n'aurons peut-être jamais, au Sénat, un projet de loi plus important à considérer. Il s'agit après tout de la possibilité de la sécession d'une province canadienne. Il faut constater que cette possibilité est réelle, même si elle n'est pas immédiate.
Il me semble qu'avant même de considérer l'aspect juridique du projet de loi, nous devons reconnaître qu'il s'agit ici d'une question profondément politique, dans le sens le plus honorable du mot. J'aimerais vous parler de ce volet aujourd'hui.
Le chef de l'opposition a bien fait de nous rappeler hier que le Québec n'est pas la seule province où on a vu naître des mouvements sécessionnistes. Il y en a eu en Nouvelle-Écosse, et plus récemment dans l'Ouest du pays. Toutefois, c'est au Québec que ce mouvement est le plus fort, et puisque c'est la province que je représente, j'espère qu'on me pardonnera si je parle surtout du Québec.
Honorables sénateurs, au printemps de 1968, le 20 avril, j'ai assisté, en tant que jeune journaliste, au premier congrès du Mouvement souveraineté-association, qui allait devenir le Parti québécois. C'est un moment qui a changé notre histoire.
[Traduction]
Honorables sénateurs, pensez un peu à ce qui se passait dans le monde en 1968. Le printemps de cette année-là, il y a eu des émeutes dans tout le monde occidental. Paris a été la scène d'un soulèvement qui a fait basculer Charles de Gaulle, un véritable géant. Aux États-Unis, des villes brûlaient, des dirigeants charismatiques étaient assassinés, un président était rejeté et son parti n'a pu lui choisir un successeur qu'en s'abritant derrière des gardes armés tandis que, à l'extérieur, les jeunes de la nation se battaient contre les policiers.
Partout dans le monde, de l'Irlande jusqu'au Viêtnam, la violence semblait être la voie privilégiée, parfois la seule, pour régler les conflits sociaux. Pendant que le monde était en proie à la colère et à la rage, que faisions-nous au Canada? Nous avions choisi la voie pacifique, la voie de la démocratie et de la politique. Je croyais alors, et je reste convaincue que la sauvegarde de l'unité canadienne est une grande cause qui mérite que l'on y consacre sa vie. Je suis également convaincue que cela doit se faire par les voies démocratiques et politiques.
[Français]
Je pense parfois que les séparatistes ne se rendent pas compte qu'ils ont fait un énorme compliment au Canada le jour où ils ont décidé de livrer leur lutte uniquement par le biais de voies démocratiques. La décision n'allait pas de soi à l'époque; il y avait des gens qui s'étaient déjà lancés dans l'autre voie. Des bombes ont explosé, des émeutes ont éclaté, et nous allions connaître la Crise d'octobre. Il ne faut jamais oublier que les Québécois francophones avaient des griefs réels: la Loi sur les langues officielles n'existait pas, pour ne parler que de cela.
Pourtant, René Lévesque et ses collègues avaient confiance que s'ils fondaient un mouvement démocratique, le Canada reconnaîtrait sa légitimité et jouerait, lui aussi, le jeu démocratique. M. Lévesque avait raison. Le Canada a accepté qu'un parti sécessionniste soit établi, élu et qu'il forme le gouvernement dans sa province et tienne un référendum sur la sécession selon ses lois, sans ingérence ni contrôle du gouvernement fédéral. Le Canada a accepté que ce cycle d'événements n'arrive pas une fois mais deux fois, et le Canada est prêt à l'accepter une troisième fois, si cela est la volonté des Québécois.
[Traduction]
Honorables sénateurs, trouvez-moi un autre pays qui en ferait autant. Ce ne sont certainement pas les États-Unis, qui ont fait une guerre sanglante pour empêcher la sécession. Ce n'est certainement pas la France, dont la Constitution stipule clairement que son territoire est indivisible. Ce n'est certainement pas la vaste majorité des pays de la terre.
Je crois que la voie que nous avons choisie est la bonne voie. Aucun pays n'existe de droit divin. Un pays existe parce que la population de ce pays veut qu'il existe - c'est le seul fondement moral de son existence. Si une partie de sa population tient vraiment à partir, il est clair qu'elle a le droit fondamental de le faire. Le Canada n'est pas une prison. Je tire une immense fierté du fait que, collectivement, les Canadiens aient accepté ce principe fondamental.
Évidemment, s'il faut en venir là, le départ doit se faire selon les règles de droit. S'il faut en venir là, la première responsabilité des législateurs, des deux côtés, est de s'assurer que la population veut profondément et sincèrement partir et de respecter cette volonté. Cela impose une certaine discipline aux hommes et aux femmes politiques des deux côtés. Selon moi, les deux parties ont au premier chef une obligation de clarté lorsque les électeurs se préparent à prendre une décision aussi fondamentale.
La décision de la Cour suprême est fort explicite sur ce point: la partie sécessionniste a une obligation de clarté, une obligation de poser une question claire et d'obtenir une majorité claire. Ce ne sont pas là des points purement académiques, honorables sénateurs. Nous savons que les choses étaient loin d'être claires dans l'esprit d'une bonne proportion de la population québécoise lorsqu'elle a été appelée à prendre cette décision capitale. Il est de notre devoir en tant que Canadiens et en tant que Québécois de lutter pour parvenir à cette clarté. Étant donné que la démocratie exige des électeurs parfaitement informés, les deux parties, dis-je, doivent être claires.
(1730)
En gros, sur le plan politique, le projet de loi C-20 est une reconnaissance de cette obligation du côté fédéral - l'obligation que nous avons à l'égard des citoyens canadiens et particulièrement à l'égard de ceux qui vivent dans la province qui envisage la sécession. Ce projet de loi est la déclaration la plus formelle qui soit quant à la façon dont la partie fédérale se comportera si jamais se tenait à nouveau un référendum sur la sécession. Il adhère scrupuleusement au processus démocratique. Il n'empêche pas la partie sécessionniste de poser la question de son choix. Les questions qui ont déjà été posées pourraient être posées une nouvelle fois.
Ce projet de loi n'énonce pas de règles pour la conduite de tout référendum, que ce soit au Québec ou ailleurs. Il expose toutefois le processus par lequel la partie fédérale déterminerait s'il devrait engager des négociations sur les modalités de la sécession ou si la volonté de la population de faire sécession n'a pas été assez clairement exprimée pour justifier la tenue de négociations - une autre décision capitale, qui exige donc un maximum de clarté.
Honorables sénateurs, ce projet de loi établit ce processus maintenant, à l'avance, afin que les électeurs, si l'occasion se présente, soient parfaitement informés. C'est sûrement mieux. Il vaut certainement mieux agir maintenant qu'attendre la dernière minute - qu'un référendum nous tombe de nouveau dessus et que notre action soit, ou soit perçue comme étant, motivée par la panique.
Ce n'est pas, bien entendu, la seule manière dont le fédéral aurait pu répondre à cette exigence de clarté. Nous connaissons tous très bien les différentes approches qui ont été proposées et nous pourrions probablement tous en trouver d'autres, si nous y réfléchissions. Il s'agit néanmoins d'une approche tout à fait valable. Elle ne porte pas atteinte aux droits de personne et défend ceux de tous les Canadiens. Nous devrions garder à l'esprit que cette approche est proposée par un gouvernement qui a lui-même mené une campagne référendaire dans le plus grand respect du processus démocratique et dont le chef, le premier ministre, a plus d'expérience en la matière qu'aucun autre politique fédéraliste du Canada. Le premier ministre a écouté les conseils de nombreuse parties et, fort de sa longue expérience, il estime qu'il s'agit de la meilleure marche à suivre. Je crois que cette décision mérite le plus grand respect.
Le projet de loi C-20 ne dispense pas, bien entendu, le gouvernement fédéral de sa responsabilité fondamentale de servir les intérêts et de répondre aux préoccupations de tous les Canadiens, y compris ceux qui vivent dans les provinces où il existe des mouvements séparatistes. En effet, la meilleure manière de lutter contre la séparation est sans aucun doute de parler et d'agir de telle manière que les Canadiens continuent de savoir qu'ils vivent dans ce qui est vraiment - et tous ceux d'entre nous qui ont voyagé savent que c'est vrai - le meilleur pays du monde.
Ce projet de loi ne dispense pas non plus le gouvernement fédéral et, bien sûr, tous les fédéralistes, y compris ceux qui se trouvent en cette Chambre, de mener une campagne énergique pour défendre le Canada chaque fois que cela s'avère nécessaire. Toutefois, le projet de loi C-20 règle la question de l'obligation de clarté relativement à la manière de procéder si nous en arrivons jamais au point douloureux d'une sécession possible et imminente. Cette clarté est certes dans l'intérêt de tous les Canadiens.
Honorables sénateurs, je voudrais dire un mot sur un autre sujet qui incite bon nombre d'entre nous à réfléchir sérieusement, c'est-à-dire le rôle du Sénat dans le processus que met en place le projet de loi C-20. Des arguments juridiques solides ont été avancés, et le seront encore, à ce sujet aussi. Le leader du gouvernement au Sénat a ouvert la voie, la semaine dernière, et d'autres le suivront. Encore une fois, je voudrais m'arrêter un moment sur la qualité politique sous-jacente de la question. À titre de sénateur et de Québécoise anglophone, je tiens à signaler que je prends très au sérieux la responsabilité du Sénat de représenter les régions et les minorités au Canada. Je suis d'avis que la manière dont les pères de la Confédération ont établi la représentation du Québec au Sénat montre clairement que ce rôle devait être encore plus marqué au Québec que dans les autres provinces. En tant que membre d'une communauté qui serait fortement touchée si jamais le Québec se séparait, je ne peux pas négliger cette responsabilité.
Honorables sénateurs, je pense aussi à la nature de notre démocratie, et à celle de notre système parlementaire qui a magnifiquement servi les Canadiens et qui continue de le faire. Le Sénat jouit de pouvoirs qui, dans la plupart des cas, sont égaux à ceux de l'autre endroit. Nous prenons ces pouvoirs au sérieux et nous essayons de les exercer dans le meilleur intérêt du Canada. Même lorsque notre pouvoir est clairement établi et que le sujet à l'étude est crucial, nous avons tendance à agir conformément à ce que l'on appelle la doctrine de Salisbury, parce qu'elle a été énoncée par le cinquième marquis de Salisbury, qui soutenait qu'il serait inconstitutionnel pour la Chambre haute de rejeter des propositions qui ont été présentées aux électeurs et approuvées par les électeurs. Nous n'allons pas à l'encontre de la volonté populaire exprimée clairement, même sur des questions pour lesquelles, en droit, nous avons le pouvoir de le faire. Il y a également la catégorie de questions à l'égard desquelles nous n'avons pas un tel pouvoir, une catégorie qui revêt un caractère si fondamentalement politique qu'elle fait l'objet d'une prérogative exclusive de la Chambre des communes, c'est-à-dire la Chambre des représentants élus par la population.
Fondamentalement, cette catégorie regroupe les deux éléments les plus fondamentaux d'un gouvernement démocratique: la décision quant à savoir qui doit former le gouvernement et le pouvoir de dépenser. Je suis cependant fortement touchée par l'argument voulant que l'objet du projet de loi C-20, l'approche du gouvernement à l'égard d'une sécession possible d'une province du Canada, est une autre question de ce genre, une chose qui est si fondamentalement politique, si intimement et directement liée à la volonté du peuple, qu'elle tombe également dans cette petite mais très importante catégorie où c'est la Chambre des communes, et non le Parlement dans son ensemble, qui doit prendre la décision et, bien entendu, assumer la responsabilité à cet égard.
Cela ne veut pas dire que le Sénat n'a aucun rôle à jouer. Dans ce cas-ci, plus que dans tout autre peut-être, nous aurions la lourde responsabilité d'exercer les droits qui, même si c'est dans un contexte différent, ont été résumés dans une phrase célèbre: Nous avons le droit d'être consultés, d'encourager et de faire des mises en garde. Le projet de loi C-20 permet l'exercice de ce droit.
Nous pourrions souhaiter - et je m'attends à ce que nous le voulions tous - que le projet de loi soit plus explicite à cet égard, mais cette reconnaissance est là. Si nous choisissons d'exprimer notre point de vue sur la clarté de la question référendaire ou du résultat du référendum, la Chambre des communes doit prendre en compte notre point de vue.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas une obligation.
Le sénateur Fraser: Je pense que nous pouvons tenir pour acquis que le Sénat, à commencer peut-être par le chef de l'opposition, exprimerait son point de vue avec toute la vigueur possible. Si nous ne le faisions pas, nous ne remplirions pas notre devoir, et je sais que nous n'en ferons rien. Nous avons un point de vue différent de celui de l'autre endroit et il serait important pour nous de parler clairement et avec force.
Son Honneur le Président pro tempore: Le temps de parole de madame le sénateur est écoulé. A-t-elle la permission de poursuivre?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président pro tempore: Veuillez continuer, sénateur Fraser.
Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, je suis vraiment impressionnée par l'argument voulant que la décision ultime soit la prérogative de l'autre endroit.
[Français]
Honorables sénateurs, de nombreux sénateurs ont une longue expérience politique que je n'ai pas. Plusieurs ont une expertise juridique que je n'aurai jamais. Vous avez presque tous plus d'expérience sénatoriale.
Si j'ai osé partager certaines de mes réflexions aujourd'hui, c'est que je suis engagée, à ma façon, dans la question nationale depuis plus de 30 ans. J'y ai réfléchi longuement. J'y ai appris des leçons parfois dures. Mes principes de démocratie m'ont guidée pendant toutes ces années. Ils sont au moins aussi pertinents aujourd'hui que par le passé.
[Traduction]
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?
Le sénateur Fraser: Oui.
Le sénateur Kinsella: En ce qui concerne les observations de madame le sénateur au sujet du rôle non déterminant du Sénat du Canada, a-t-elle, dans le cadre de ses réflexions sur la question, envisagé certaines façons d'amender le projet de loi pour tenir compte, d'une part, du souhait du premier ministre de ne pas faire traîner tout ce processus et, d'autre part, de la nécessité d'assumer les obligations très importantes qui nous incombent dans cette enceinte? En fait, je veux parler de l'obligation historique d'obtenir le consentement de notre Chambre pour qu'on puisse considérer que le Parlement donne son consentement. Par exemple, madame le sénateur a-t-elle songé à proposer simplement un amendement au projet de loi en vertu duquel il incomberait à la Chambre des communes et au Sénat de se prononcer sur la clarté de la question ou de la majorité et de préciser que ces décisions devraient être prises par un comité conjoint de la Chambre des communes et du Sénat?
(1740)
Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, j'ai envisagé cette possibilité. Comme la majorité d'entre vous, ma préférence profonde serait que nous soyons mêlés à cette décision le plus étroitement possible. Toutefois, je suis inquiète quand je pense aux détails inhérents à un tel changement; je peux envisager de nombreuses circonstances où le Sénat, et qui sait qui pourrait être au Sénat à ce moment-là car nous ne parlons pas nécessairement des honorables et estimables sénateurs qui s'y trouvent à l'heure actuelle, s'il prenait part au processus de la Chambre des communes, pourrait bloquer une décision, selon la composition de la Chambre des communes.
Nous n'avons aucune garantie que, le cas échéant, nous pourrions compter sur un gouvernement solide de quelque parti que ce soit à la Chambre des communes. En réalité, on peut penser que ce serait pendant une période où la Chambre des communes connaît un désarroi que le gouvernement d'une province sécessionniste jugerait opportun de bouger. Je ne suis pas convaincue qu'il serait souhaitable sur le plan pratique d'enchâsser une telle mesure.
Le sénateur Kinsella: Compte tenu de cette réponse, l'honorable sénateur a-t-elle pensé à un autre modèle qui donnerait également suite aux préoccupations qu'elle vient tout juste de soulever, soit que chaque Chambre tranche la question dans les six jours de séance avant le début du processus?
Le sénateur Fraser: Nous sommes parfaitement libres de trancher la question aussi rapidement que nous voulons si jamais il le faut, et nous espérons de tout coeur que cela ne se produira pas. Je répète que je trébuche chaque fois sur la notion selon laquelle, si notre consentement est requis et que nous devons donner notre assentiment à quoi que ce soit que la Chambre des communes est en train de faire, cela nous confère un rôle de blocage. Je suis fort impressionnée par l'argument selon lequel, en bout de piste, c'est une décision qui doit être prise par l'autre endroit.
Nous devrions nous exprimer très clairement au sujet de ce que nous pensons qu'ils s'apprêtent à faire. Si nous étions en désaccord avec leurs intentions, il serait alors de notre devoir de nous adresser à la population et de chercher à la persuader d'exercer des pressions sur ces élus par tous les moyens dont nous disposerions. Toutefois, en ce qui concerne le rôle du Parlement, je me sens profondément influencée par l'argument selon lequel c'est là un des rares cas où la décision doit leur revenir.
Le sénateur Kinsella: Le deuxième paragraphe du préambule du projet de loi stipule que le démantèlement d'un État, en l'occurrence le Canada, «constitue une question extrêmement grave».
Si le Sénat du Canada ne joue pas un rôle déterminant dans le processus d'examen de questions extrêmement graves, quelles sont les conséquences en ce qui concerne les questions qui ne sont pas extrêmement graves et dont le Sénat est saisi?
Le sénateur Fraser: Sauf votre respect, je ne pense pas qu'il y ait quelque répercussion que ce soit. Toutes sortes de questions peuvent être considérées comme extrêmement graves. De toute évidence, celles qui comportent un aspect juridique, un amendement constitutionnel par exemple, doivent être soumises à l'examen du Sénat. J'estime, et cela depuis de nombreuses années, que cette signification fondamentale est essentiellement de nature politique, d'où le raisonnement que j'ai tenté d'expliquer, peut-être de façon maladroite.
Le sénateur Kinsella: Madame le sénateur reconnaît-elle que le projet de loi, s'il est adopté, instituera, pour la première fois au cours des 133 ans d'histoire du Canada, un mécanisme juridique qui, s'il est appliqué, autorisera le démantèlement légal du Canada?
Le sénateur Fraser: Le projet de loi ne vise pas à permettre le démantèlement légal du Canada. Il encadre un processus politique qui aboutirait, ultimement, à un amendement constitutionnel dont le Sénat serait saisi. C'est cet amendement qui permettrait le démantèlement du Canada.
Il ne m'apparaît cependant pas déplacé d'envisager la possibilité de nous engager un jour dans ce processus. Nous en sommes d'ailleurs passés très près. Le camp fédéral n'avait rien sur quoi s'appuyer, et on pourrait en dire autant de n'importe quel gouvernement fédéral en place. Autrement dit, il n'aurait disposé d'aucun cadre d'action si l'option du OUI l'avait emporté au référendum de 1995.
Le gouvernement du Québec, lui, disposait d'un plan d'action très précis. Il n'avait pas à se conformer à toutes sortes d'obligations juridiques puisqu'il lui suffisait de passer uniquement par l'Assemblée nationale. Le camp fédéral, par ailleurs, devait tenir compte non seulement du Parlement, mais également de la très grande inquiétude qui se serait manifestée dans toutes les autres provinces à l'extérieur du Québec.
Il est tout à fait légitime de définir, si jamais le Parlement est appelé à légiférer sur la sécession d'une province, le processus à suivre.
Le sénateur Kinsella: Dans le dernier paragraphe de l'avis de la Cour suprême - c'est-à-dire, dans l'avis sur lequel les adeptes de ce projet de loi nous disent que ce projet de loi est fondé, le paragraphe 155 - la cour nous dit aussi que, nonobstant ce qu'elle a dit avant au sujet de ce processus, qui est similaire à celui envisagé dans le projet de loi C-20, il ne faut pas écarter la possibilité d'une déclaration inconstitutionnelle ou illégale d'indépendance.
Madame le sénateur faisait-elle référence au même type de situation dont a parlé M. Parizeau il y a quelques années? Ce qui est plus important, si la Cour suprême dit qu'il peut y avoir déclaration d'indépendance unilatérale, quelle est l'utilité de ce projet de loi?
Le sénateur Fraser: Je n'ai pas les fameux plans de M. Parizeau sous les yeux. Si mes souvenirs sont exacts, il avait l'intention d'agir très vite s'il obtenait une majorité de 50 p. 100 plus 1 à son référendum, malgré la confusion qui existait dans l'esprit de certains électeurs. Il agissait très rapidement sur les motifs - c'est-à-dire sur les questions abordées par la Cour suprême, comme celle de l'effectivité. Il avait l'intention de demander aux gouvernements étrangers de reconnaître, sinon l'indépendance, du moins que l'indépendance était inévitable. Il avait aussi, quoique cette question ne nous concerne pas ici, d'importants plans financiers pour l'intervention sur les marchés.
Je crois qu'il essayait de créer un scénario où le monde considérerait que le Québec devait inévitablement devenir indépendant dans les meilleurs délais à la suite de ce vote. Ainsi, le gouvernement du Canada aurait été coincé et n'aurait eu d'autre option que de négocier rapidement. Je peux me tromper, mais c'est ce que j'ai l'impression que M. Parizeau avait l'intention de faire.
Pourrais-je demander au sénateur Kinsella de répéter sa deuxième question?
Le sénateur Kinsella: Dans le paragraphe 155 de son avis, la Cour suprême reconnaît que, malgré ce qu'elle a dit avant, il ne faut pas écarter la possibilité d'une déclaration unilatérale, inconstitutionnelle et illégale de sécession.
(1750)
La Cour suprême nous a dit clairement qu'une déclaration unilatérale d'indépendance pouvait toujours se produire. Si c'est le cas, à quoi donc cette loi sert-elle?
Le sénateur Fraser: Le sénateur Kinsella se souviendra que j'ai déjà souligné que j'étais loin d'être une spécialiste en matière juridique. Toutefois, d'après ce que j'ai compris de la décision de la Cour suprême, cette dernière nous a avertis que si le gouvernement fédéral n'était pas disposé à négocier de bonne foi, après qu'on ait obtenu une réponse claire à une question claire, ce pourrait être là l'un des motifs qui pourrait justifier une déclaration unilatérale d'indépendance.
Je ne crois pas qu'il y ait un sénateur qui veuille qu'on en arrive là. Ce projet de loi doit servir à démontrer clairement, à l'avance, la nécessité pour tous les partis de reconnaître que si on devait en arriver là, le gouvernement fédéral devrait, selon ce que la Cour suprême a établi, négocier de bonne foi, mais uniquement en vertu de conditions de certitude démocratique quant à la véritable volonté des citoyens. Autrement dit, ce projet de loi réduirait considérablement la possibilité d'une déclaration unilatérale d'indépendance.
L'honorable Lowell Murray: Compte tenu du but déclaré par le gouvernement, c'est-à-dire de l'importance de mettre au point un cadre juridique clair pour toute négociation possible en vue d'une sécession, pourquoi, de l'avis du sénateur, le cadre de référence fourni à la Cour était-il si restreint? Pourquoi à son avis les avocats du procureur général du Canada ont-ils dit précisément à la Cour qu'elle ne devait pas se prononcer sur la question de la formule d'amendement qui pourrait s'appliquer à la sécession? Pourquoi à son avis les avocats du procureur général du Canada ont-ils demandé à la Cour de ne pas se prononcer sur les droits des peuples autochtones du Québec, malgré le fait que les représentants de ces peuples ont soutenu avec force devant la Cour qu'on ne pouvait pas modifier leur statut à l'égard de la Couronne et du Parlement du pays sans leur consentement?
Le sénateur Fraser: Comme le sénateur Murray le sait bien, je n'étais pas au Parlement, et je n'étais pas non plus un conseiller du gouvernement, au moment où cette position devant la Cour suprême a été rédigée. Je ne peux vraiment pas expliquer au sénateur pourquoi certaines décisions ont été prises. Je suis d'avis que si on se présente devant la Cour suprême avec une question d'une telle importance, on voudrait obtenir une opinion claire. On devrait tenir compte du fait qu'on espère sincèrement que cette opinion n'aura pas à être utilisée dans un proche avenir, et peut-être même pour des générations à venir, et que certaines circonstances, dont le statut des peuples autochtones par exemple, comme on l'a souligné plus tôt aujourd'hui, peuvent changer considérablement d'ici là. Par conséquent, on souhaiterait que la Cour suprême se limite au coeur même du problème en question. Cependant, je ne sais pas si tel était son raisonnement. L'honorable sénateur aura peut-être l'occasion de poser cette question quand le comité sera saisi du projet de loi.
Le sénateur Murray: Je vais certainement le faire si j'en ai l'occasion.
J'ai une autre question. Mon honorable collègue aurait raison de la rejeter en la déclarant hypothétique, mais je trouve qu'elle est pertinente.
L'intention du projet de loi consiste, semble-t-il, à faire en sorte que le gouvernement ne négocie pas la sécession d'une province à moins que la population de cette province n'ait clairement exprimé sa volonté de faire sécession. Si, lors du prochain référendum, le gouvernement du Québec demande à la population de lui donner le mandat de négocier «une nouvelle association avec le Canada», les dispositions du projet de loi vont-elles entrer en application? Le Parlement sera-t-il appelé à déterminer si cette question était claire? Sur la base d'une telle question, si le gouvernement du Québec obtenait une forte majorité, quel conseil l'honorable sénateur donnerait-elle au gouvernement fédéral? Devrait-il se présenter à la table de négociation? Le gouvernement fédéral devrait-il envoyer au diable le gouvernement québécois? Devrait-il tenir son propre référendum? Quel conseil l'honorable sénateur donnerait-elle au gouvernement dans ces circonstances?
Le sénateur Fraser: L'avenir renferme trop de variables pour savoir quel humble avis je pourrais offrir si quelqu'un était intéressé à le connaître.
Cependant, pour répondre à la question habilement formulée de mon honorable collègue, il me semble qu'il s'agirait d'abord de déterminer, aussi clairement que possible, d'après les débats à l'Assemblée nationale et d'après toute autre information disponible, si l'association recherchée constituerait, en fait, une certaine forme de réassociation après une sécession, ou bien une certaine forme de réaménagement au sein de la Confédération. Il est clair qu'un projet de loi comme celui-ci ne peut parler de ce genre de détermination, car il existe un nombre infini de réponses possibles. Il faudrait attendre que le cas se présente.
[Français]
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Le gouvernement aurait pu ne pas légiférer et se reposer uniquement sur l'opinion consultative de la Cour suprême. Comme c'est son droit, il a dit qu'il allait exprimer son point de vue. Il aurait pu choisir une déclaration du premier ministre et de son Cabinet. Il pouvait choisir la voie législative, ce qu'il a fait.
Il a parfaitement le droit de le faire. Les sénateurs vont voter sur ce projet de loi, nous pouvons voter pour ou contre. Cependant, si la loi est adoptée, le gouvernement devra écouter la Chambre des communes. Je ne comprends pas pourquoi il n'écouterait pas le Sénat qui, sur le plan législatif, est égal à la Chambre des communes. Pourquoi demande-t-on l'opinion des députés, mais pas celle des sénateurs? Nous pouvons être consultés, mais pas plus.
Pourquoi le Sénat n'aurait-il pas le droit, comme Chambre législative - il fait lui aussi partie du Parlement - d'adopter une résolution? Nous allons à l'encontre du principe d'égalité des deux Chambres.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je regrette de vous interrompre, mais il est 18 heures. Ai-je la permission de la Chambre de ne pas voir l'horloge?
Des voix: D'accord.
[Traduction]
Le sénateur Beaudoin: La question est simple. Si on a choisi la voie législative, on doit respecter les principes du pouvoir législatif de l'État.
(1800)
Le pouvoir législatif du fédéral se compose de deux Chambres, si bien que si nous votons contre ceci, le projet de loi sera mort. Le Sénat pourrait toutefois adopter ce projet de loi, puis revenir plus tard sur cette question, mais il n'est pas tenu de le faire. C'est la Chambre des communes qui dira au gouvernement qu'il ne devrait pas négocier parce que la question n'est pas claire. Le gouvernement est obligé de tenir compte de l'avis de la Chambre des communes. Il peut agir, car le gouvernement est l'exécutif, ou il peut faire participer le Parlement, mais le Parlement se compose de deux Chambres.
Je ne comprends pas que l'une soit tellement privilégiée par rapport à l'autre à un moment important de notre histoire. C'est un véritable mystère pour moi. Si c'est une question de temps, le Sénat peut siéger et en venir à une conclusion dans les 30 jours. Pourquoi pas?
Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, voilà ce que j'essayais de dire, manifestement pas de façon très persuasive, dans mes observations préliminaires.
Il me semble évident que, lorsque ce jour viendra, en fait, il reviendra à l'autre endroit de prendre les décisions.
Le sénateur Beaudoin: À lui seul?
Le sénateur Fraser: Oui. Je crois que c'est une preuve remarquable de respect pour le Parlement dans son ensemble que le gouvernement ait choisi ce moyen législatif d'établir ce principe pour l'avenir. Il aurait pu se contenter d'une résolution de la Chambre des communes, et rien de ce que nous avons dit ou fait n'aurait pu l'en empêcher. Je parle d'une résolution contenant en substance le projet de loi C-20. Nous n'aurions pas eu un seul mot à dire. Toutefois, nous avons effectivement notre mot à dire. Nous sommes déjà nombreux à l'avoir dit. J'ai écouté les allocutions du leader. Elles sont magnifiques. Avec l'interrogatoire serré qu'on me fait subir, je sais que tout ce débat sera de très haute volée. Nous y participons déjà, en fait. Toutefois, si nous adoptons ce projet de loi, nous allons reconnaître, probablement avec raison à mon sens, que c'est l'autre endroit qui devra au bout du compte prendre la décision, si l'on en vient jamais là.
Pourquoi faire quoi que ce soit puisque la Cour suprême a donné son avis? Je dois dis que, lorsque l'avis a été rendu public, j'ai pensé que cela y était, que tout était réglé et que notre rôle s'arrêtait là. Quand j'ai entendu les premières réponses du gouvernement du Québec, je me suis sentie confirmée dans cette opinion, puis l'automne dernier, le ministre responsable du gouvernement du Québec a commencé à dire, non pas une fois mais à maintes reprises, qu'il ne se sentait pas lié par le renvoi à la Cour suprême et qu'il ne respecterait pas l'avis en l'occurrence. Je pense qu'il était alors du devoir du gouvernement du Canada de répondre, et voici la réponse qu'il a choisi de faire.
Le sénateur Beaudoin: Rappelez-vous l'affaire du statut particulier pour le Québec, et rappelez-vous l'affaire des quatre droits de veto. On a demandé à ce beau Sénat de dire oui ou non. Nous avons élaboré une résolution, et j'ai voté en faveur de cette dernière. La Sénat est intervenu.
Si vous ne voulez pas que le Sénat intervienne, vous devez respecter la Constitution. Si vous voulez éroder un pouvoir du Sénat, vous ne pouvez le faire par le truchement d'une simple loi. Vous devez recourir à une modification constitutionnelle. En 1982, nous avons perdu notre droit de veto absolu en matière constitutionnelle, mais il s'agissait d'une décision découlant d'une volonté de modifier la Constitution. Nous étions en présence d'une modification constitutionnelle, non pas d'une simple loi. Comment peut-on changer le système parlementaire par le biais d'une simple loi? Je ne vois aucun précédent en ce sens dans notre histoire parlementaire.
Le sénateur Boudreau a fait allusion l'autre jour à l'échéancier. Le Sénat a certainement autant de temps que la Chambre des communes. Là-bas, ils sont 304 députés, ici, nous sommes seulement 105 sénateurs. Je pense que nous pouvons agir selon le même échéancier que la Chambre des communes.
Encore une fois, c'était au gouvernement de dire: «Comme nous sommes le Cabinet, comme nous sommes l'exécutif de ce pays, nous le ferons seuls.» Je respecte cela, et nous l'avons fait depuis nettement plus d'un siècle. À présent, nous voulons changer les choses. Je n'ai aucune objection, à condition que nous adhérions aux principes de la Constitution.
Le sénateur Fraser: Il est très difficile de débattre des principes constitutionnels avec le sénateur Beaudoin. Toutefois, si on me permet une remarque prudente, je ne crois pas que le Sénat ait jamais eu le pouvoir d'influencer à l'avance une décision sur la question de savoir si un gouvernement entamerait ou non des négociations constitutionnelles. Donc, nous ne perdons aucun pouvoir. Ce pouvoir appartient indirectement à la Chambre des communes en ce sens que c'est une Chambre habilitée à prendre un vote de confiance. Sachant que le gouvernement alors au pouvoir a entamé des négociations constitutionnelles, la Chambre pourrait, si elle le voulait, décider d'écourter le processus en renversant le gouvernement. C'est à mes yeux une variante de ce processus - une variante très intéressante formulée de sorte à pouvoir être adaptée aux circonstances.
Peu de démocraties sont passées par là. Nous tentons en effet de respecter notre passé et nos principes tout en faisant face à des circonstances qui ne sont pas habituelles dans l'histoire du régime parlementaire. Je ne pense pas que le pouvoir du Sénat soit amputé dans cette affaire. Son rôle politique n'est peut-être pas tel que nous l'aurions souhaité, mais il va dépendre en grande partie de ce que nous en ferons, si ce jour arrive jamais.
Le sénateur Beaudoin: J'ai un mot à dire sur le vote de confiance. L'honorable sénateur a raison: la Chambre des communes peut toujours procéder à un vote de confiance, mais ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Le projet de loi dit que, si la Chambre des communes arrive à la conclusion que la question et la majorité ne sont pas claires, elle devra ordonner au gouvernement du pays de ne pas négocier. C'est un grand pouvoir. Ce n'est pas la même chose qu'un vote de confiance. Pourquoi a-t-elle ce pouvoir? Elle l'a parce que le projet de loi le lui confère.
Je pense que c'est juste, sur le plan légal, mais ce qui n'est pas juste, c'est l'absence du Sénat à l'étape des négociations. Si ce projet de loi confère un pouvoir à la Chambre des communes parce qu'elle fait partie du Parlement, il ne peut pas ne pas tenir compte du Sénat. C'est là mon avis, ni plus, ni moins.
Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, ce qui me frappe, c'est que, dans ce discours manifestement intéressant et inspirant de l'honorable sénateur, les mots clés sont peut-être «ce qui n'est pas juste».
Le sénateur Beaudoin: C'est mon avis. Je me trompe peut-être.
Le sénateur Fraser: En fin de compte, la question revient à déterminer si nous estimons que c'est juste ou non, pas sur le plan constitutionnel, mais sur le plan politique.
(1810)
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Fraser appuie l'argument qu'a fait valoir son chef, le leader du gouvernement au Sénat, argument selon lequel le Sénat devrait jouer un rôle limité dans le processus qui mènerait à une éventuelle sécession, étant donné qu'il ne dispose que d'un veto suspensif à l'égard des modifications constitutionnelles. De ce fait, notre rôle se limite à ce que j'appelle le rôle de consultant en résidence. Une disposition du projet de loi stipule que nous, et d'autres aussi d'ailleurs, devons être consultés, mais cela ne veut pas dire qu'il sera tenu compte de ce que nous dirons dans le cadre de cette consultation.
Cet argument me laisse perplexe, et je ne peux certainement pas l'accepter, d'autant plus que, depuis que je suis à cet endroit, chaque fois qu'il a été saisi de modifications constitutionnelles par le passé, le Sénat a toujours pleinement participé au processus. Je pense, entre autres choses, à la modification constitutionnelle qui a finalement permis de définir ou de proclamer le Nouveau-Brunswick comme étant une province bilingue. Je pense à la clause 17. Je pense à la modification constitutionnelle qui a permis de remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques. Le Sénat du Canada a participé à tout le processus qui a débouché sur cette modification constitutionnelle, et des sénateurs ont même fait partie d'un comité mixte avec des députés de la Chambre des communes.
Il est maintenant question d'une modification constitutionnelle qui pourrait mener à l'éclatement de notre pays et, tout à coup, le Sénat, cet élément essentiel du Parlement, est écarté. Je n'arrive pas à comprendre ce raisonnement. Ma question est la suivante: madame l'honorable sénateur pourrait-elle me l'expliquer?
Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, il n'y a rien dans ce projet de loi qui modifie le rôle du Sénat de quelque façon que ce soit. Si nous devons un jour envisager une modification constitutionnelle relative à la sécession d'une province, le processus législatif et constitutionnel habituel interviendra alors, et notre rôle sera exactement le même.
L'honorable sénateur parle de notre rôle avant la présentation d'une modification constitutionnelle. Pendant que les négociations sont en cour, le rôle des parlementaires de l'une ou l'autre des Chambres est assez limité, sauf que, comme je l'ai dit, la Chambre des communes peut effectivement renverser le gouvernement, auquel cas les négociations seraient probablement suspendues, sinon arrêtées. Quant au rôle que nous avons toujours pu jouer lorsqu'une modification constitutionnelle est en cours de négociation, il subsistera. Si nous voulons saisir l'opinion publique de nos arguments, nous le pouvons. Si nous voulons former des comité spéciaux, nous le pouvons. Si nous voulons mener des études spéciales, nous le pouvons. Rien ne nous arrêtera. D'ailleurs, je serais étonnée que nous ne fassions pas tout cela.
Le sénateur Lynch-Staunton: Mais quand nous avons discuté de la clause 17 et de la question des écoles du Québec, nous avons fait équipe avec la Chambre des communes pour les consultations, la recherche et l'examen de toute la question, avant de soumettre l'amendement constitutionnel à un vote.
Dans le cas présent, on nous dit que nous participons pas au processus préliminaire parce que nous ne comptons pas en ce qui concerne la modification constitutionnelle, puisque nous ne disposons que d'un droit de veto de six mois. Nous ne pouvons retarder la modification que de six mois?
Si cet argument est recevable dans le cas présent, pourquoi n'a-t-il pas été appliqué au débat sur la clause 17, où nous avons participé dès le début au processus? Les audiences ont duré longtemps et ont été fort utiles. Non seulement un comité mixte a-t-il été créé, mais après cela et après les audiences du comité mixte sur la question du Québec, nous avons tenu nos propres audiences au Sénat. Je me souviens que M. Dion a comparu devant nous. J'aime à penser que les questions qui ont été posées et les échanges que nous avons eus ont été utiles.
À la fin, les modifications ont certes été adoptées, mais au moins, les gens avaient une meilleure idée et une meilleure compréhension de la teneur des deux modifications, en plus de celle concernant le Nouveau-Brunswick, grâce à la participation du Sénat au processus. Or, dans le cas présent, on nous dit que le Sénat n'est pas important, que son concours n'est pas nécessaire et que lorsque la Chambre des communes aura décidé par elle-même, ou, si vous préférez, lorsque le gouvernement du Canada aura décidé qu'une modification constitutionnelle est nécessaire, nous serons alors invités. Cela est non seulement méprisant pour le Sénat, j'estime que c'est avilissant pour le processus parlementaire tout entier. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi ce processus est accepté et renforcé par ce projet de loi.
Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, je diffère vraiment d'avis avec le sénateur Lynch-Staunton quant à l'évolution du processus. Certes, si le Parlement est saisi d'une modification constitutionnelle, je suis portée à penser que le gouvernement du Canada n'hésitera pas à se tourner vers le Sénat, compte tenu de la richesse de l'expertise constitutionnelle qui s'y trouve, mais il n'est écrit nulle part que nous devons participer aux négociations, même si nous l'avons fait dans le passé lorsque les circonstances s'y prêtaient. Ce projet de loi ne change absolument rien à notre rôle, ou à l'absence de rôle, dans la conduite effective des négociations. Il ne fait qu'établir un cadre politique dans lequel le jugement politique de départ devra être élaboré.
[Français]
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, le sénateur Fraser a dit qu'elle ne voulait pas tellement participer au débat à ce stade, mais que, pour certaines raisons, elle a décidé de s'y intéresser. Je suis dans la même situation, je ne veux pas y participer maintenant. Le sénateur Fraser a avancé des arguments qui me troublent.
Je me questionne sur l'utilité du Sénat. Le sénateur Fraser, une femme très connue au Québec, a su au bon moment représenter la minorité anglaise du Québec. Je préfère dire anglaise à anglophone. Il faudrait tenir un débat pour définir ces mots: francophone, anglophone, Canadien français et Canadien anglais.
Le sénateur Fraser est une personnalité très éloquente de la minorité anglaise du Québec, elle l'a démontré à maintes reprises. Je suis un peu dans les nuages lorsque je l'entends parler de sa conception du Sénat. En venant ici, je croyais que nous étions la Chambre de la réflexion. C'est d'ailleurs écrit dans les bureaux du Président.
[Traduction]
L'ordre exclut la hâte et la précipitation.
[Français]
Honorables sénateurs, nous sommes tous deux Montréalais. J'ai été député pendant 30 ans. Je sais avec quelle hâte, quelle panique souvent, mes honorables amis de la Chambre des communes peuvent agir. Je vais vous raconter ce qu'un député, qui est même devenu premier ministre, nous a toujours dit:
[Traduction]
«Ne vous en faites pas, monsieur le premier ministre, ce projet de loi sera adopté vendredi.»
[Français]
Il est toujours inquiétant de voir des députés du parti au pouvoir, sous l'emprise de la panique et de l'opinion publique, appuyer des projets de loi qui n'auront pas été discutés de façon appropriée. Le Sénat joue son rôle. Les sénateurs Joyal et De Bané se souviennent du premier ministre Trudeau qui, croyant déceler l'existence d'une entente avec les provinces, même si le Québec en était exclu, se disait que s'il pouvait obtenir l'appui des provinces et des députés, il ne tolérerait pas que le Sénat l'empêche de conclure une entente. C'est de là, je pense, que l'idée du veto suspensif de six mois s'est présentée. Pendant six mois, on a le temps de réfléchir.
[Traduction]
C'est une période qui donne le temps de réfléchir.
[Français]
Il n'y a rien de pire que la meute populaire. C'est inscrit dans le salon privé du Président. Il vaut mieux que la raison l'emporte sur l'opinion publique, que la raison l'emporte sur les démonstrations. C'est ce qui m'inquiète. En tant que sénateur, je me suis défini juste avant mon arrivée au Sénat, lors du débat sur la question religieuse à Terre-Neuve. Je ne m'excuserai jamais de m'être porté à la défense de ce principe. J'ai été le premier à participer au débat. Comme j'étais seul, j'ai écouté. L'opposition officielle a poursuivi le débat. C'est un des rôles du Sénat de défendre les minorités. Dans ce pays, lorsque l'on parle de minorités, on parle seulement de celles qui parlent français ou anglais.
(1820)
Il y a des minorités de toutes sortes et il y a les régions. Je me demande pourquoi nous avons un Sénat. Soudainement, on dit: «Bof! le Sénat, ils repasseront!»
J'ai écouté attentivement la description qu'a faite le sénateur Fraser de cette époque. Elle a parlé de 1968, mais on peut remonter à 1960. Nous sommes peu nombreux à avoir vécu le débat sur la Loi sur les mesures de guerre, mais j'étais du nombre. J'étais prêt à voter contre à moins qu'on me permette de faire un certain geste, et je l'ai fait. J'ai donc voté pour. C'est dans le discours que j'ai prononcé, je n'invente donc rien aujourd'hui. C'est sous l'effet de la panique qu'on nous a demandé de faire à l'époque des choses incroyables. Je m'étais bien juré que je ne recommencerais pas.
Plus j'écoute le débat, plus je suis troublé. Je me demande ce que fait le Sénat et quel est son rôle. Si la Chambre des communes adopte des projets de loi assez rapidement, c'est parce qu'elle a peur de l'opinion publique; c'est une chose dont on a peur lorsqu'on est élu, d'où, sans doute, la sagesse des pères de la Confédération d'avoir pensé à la Chambre haute, le Sénat.
Je ne toucherai jamais aux Premières nations, parce qu'elles étaient là avant moi. Je leur veux justice. Nous nous devons de protéger les minorités. On a balancé par-dessus bord une de nos fonctions lorsqu'on a touché à la question religieuse à Terre-Neuve, et même au Québec. J'étais contre les deux projets de loi. Je suis un traditionaliste. Je ne vois pas pourquoi, pour accommoder les gens, on deviendrait je ne sais quoi!
Nous avons des opinions, des gens à représenter et le Sénat est là pour cela. Je pense qu'on élimine trop gracieusement et trop rapidement le rôle du Sénat en ce qui concerne cette question si importante. Je ne vous cache pas que j'aurais préféré qu'on n'en vienne pas là. Si jamais le Québec posait des questions ambiguës, le gouvernement fédéral n'aurait qu'à ne pas négocier. Qu'arriverait-il? Nous sommes dans une impasse. On nous parle d'une majorité des deux tiers de la liste électorale. Cela m'inquiète encore plus. On est en train de se créer des problèmes qui n'existent pas.
Honorables sénateurs, le sénateur Fraser est minoritaire au Québec et majoritaire au Canada. Dans mon cas, c'est l'inverse. Je suis Canadien français du Québec, et à l'intérieur du Canada, je fais partie d'une minorité. Je n'ai pas de complexe d'infériorité à cause de cela et elle non plus, comme je la connais. C'est la beauté du Canada. Sa conception du Sénat est-elle qu'on s'en sert lorsque cela fait notre affaire et qu'on l'évite lorsque cela pourrait peut-être retarder quelque peu les choses?
Il y a d'autres moyens. On pourrait nous proposer des amendements en disant que le débat se limitera à six jours au Sénat. Que fait le Sénat? On s'en sert quand cela fait l'affaire et quand cela devient compliqué, on ne s'en sert pas. Chacun a son opinion sur le Sénat. J'aimerais connaître les commentaires du sénateur Fraser, parce que je sais qu'ils seront bien ciselés.
[Traduction]
Le sénateur Fraser: La flatterie, sénateur Prud'homme, ne vous mènera nulle part.
Le sénateur Prud'homme: Elle m'a mené ici, tout comme vous.
[Français]
Le sénateur Fraser: Le sénateur Prud'homme me demande quelle est ma conception du rôle du Sénat. J'ai toujours eu le plus grand respect pour le Sénat. Je l'ai dit bien avant d'être nommée au Sénat: une Chambre essentielle dans une fédération pour représenter les régions, les minorités, mais surtout, selon la phrase classique, «a chamber of sober second thought».
Pourquoi suis-je persuadée de son importance? Parce que j'ai été journaliste toute ma vie et que je savais, à ce titre, que nous avions tous besoin d'un éditeur, une personne qui s'assure que le texte est cohérent, rédigé selon les règles de grammaire ou de déontologie. Tout le monde en a besoin: personne ne peut être certain d'avoir écrit un texte journalistique ou législatif sans erreur.
Il n'y a que très peu de cas au Parlement où le Sénat n'a pas de rôle à jouer: le choix du gouvernement et le pouvoir de dépenser. L'argument est assez fort. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une décision foncièrement politique qui devrait faire partie du pouvoir de la Chambre des communes. Qui forme le gouvernement? Ce n'est pas une question de loi, c'est un choix politique. Comment les sous du public devront-ils être dépensés? C'est un choix politique.
Reconnaissons-nous ou non la volonté de la population d'une partie de notre pays de nous quitter? C'est une décision foncièrement politique. Nous aurons notre mot à dire, mais il y a une légitimité morale dans le fait que la décision finale sera celle de la Chambre des communes.
Le sénateur Prud'homme: L'honorable sénateur me convainc exactement du contraire par la force de ses arguments. Je suis convaincu de l'importance du Sénat. Je ne vous le cache pas. La beauté, ici au Sénat, c'est qu'il y a encore des sénateurs qui écoutent les autres et qui se font au fur et à mesure une idée. Par exemple, en ce qui concerne l'agriculture, je préfère écouter deux ou trois sénateurs qui connaissent mieux la question que moi avant de me faire une idée par la suite. J'ai confiance en ces gens.
Le sénateur Fraser vient de me convaincre que les sages ne devraient pas être consultés. Le pouvoir de dépenser et le pouvoir de défaire le gouvernement, c'est la tradition. Et le Sénat ne devrait même pas intervenir sur la question du démembrement d'un pays fondé sur des régions!
On va nous suggérer de former un comité et d'en parler, mais quoi que vous décidiez, cela ne comptera pas. Cela m'inquiète. Je ne sais pas comment je voterai. Je croyais que ce serait probablement la plus belle journée au Sénat, le débat le plus important de ma vie. Je vous l'ai déjà dit, je suis prêt à aller défendre ma position chez les péquistes et les bloquistes. Le Canada est indivisible, à condition que l'on respecte les spécificités de ce pays, à condition que l'on respecte les régions de ce pays, à condition que chacun s'y sente à l'aise. Si un groupe fondateur ou un autre ne s'y sent pas à l'aise, le pays ne fonctionnera pas non plus.
(1830)
C'est pour cela que, dans leur sagesse, les parlementaires de l'époque ont fondé le Sénat. Ils concevaient déjà la possibilité qu'il y ait des débats incroyables qu'il serait bon de pondérer. Je suis prêt à entamer ce débat avec les députés en tout temps. Honorables sénateurs, peut-être qu'à la fin du débat, un amendement pourrait permettre au Sénat de jouer le rôle pour lequel il a été créé.
[Traduction]
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai une brève question à poser au sénateur Fraser, qui a très bien su expliquer sa position, une position très difficile, mais, de mon point de vue, pas impossible à tenir.
Ma question a trait à la théorie élaborée par le leader du gouvernement et expliquée par le sénateur Fraser. Elle porte sur la décision concernant un référendum sur la séparation, que ce soit en Alberta, au Cap-Breton ou au Québec, qui est à toutes fins utiles laissée entre les mains du Cabinet et de la Chambre des communes. Le sénateur Fraser a déclaré que cette décision pourrait aussi être prise par voie de résolution. C'est exact. Ma collègue est ici depuis peu, mais elle est devenue une véritable spécialiste des questions parlementaires.
Pourquoi cette disposition a-t-elle été mise dans le projet de loi et présentée au Sénat? Voulait-on nous faire bien comprendre que nous n'avons aucun pouvoir? Y a-t-il une raison de présenter au Sénat un projet de loi sur un sujet sur lequel nous n'avons aucune espèce de pouvoir, comme l'affirme le sénateur?
Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, je crois que nous entendrons des représentants du gouvernement en temps et lieu au cours de notre débat. Je ne me risquerai pas à expliquer leurs raisons. Nous avons entendu le leader du gouvernement, et je crois que nous l'entendrons à nouveau et que nous entendrons aussi d'autres ministres.
Je ne pense pas que le projet de loi vise à faire comprendre quoi que ce soit au Sénat. Le projet de loi établit à l'avance le processus qui, de l'avis du gouvernement actuel, devrait être suivi par tout gouvernement du Canada si nous étions confrontés à un mouvement sécessionniste fort et à un référendum. Je crois que l'appréciation que le gouvernement fait de la voie à suivre se défend parfaitement bien. Il aurait pu choisir une autre voie. C'est celle qu'il a décidé de suivre après une longue et profonde réflexion. Je crois que la voie choisie est légitime.
Pourquoi? Parce qu'il existait un vide et parce que, comme je l'ai dit en réponse à une autre question, il y a à Québec un gouvernement où les ministres responsables déclarent que le Québec n'aurait pas à respecter l'opinion de la Cour suprême du Canada.
Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, je n'ai peut-être pas formulé ma question correctement, mais je suis heureux que le sénateur ait donné des précisions, car je suis tout à fait favorable à l'argument de la clarté et je suis d'accord pour qu'on mette les choses au clair à l'avance. Cela ne me pose aucun problème.
La question que je me pose, est la suivante: pourquoi a-t-on renvoyé ce projet de loi au Sénat? Pourquoi ne pas simplement faire adopter une résolution par les Communes pour affirmer cette position sur la clarté? Autrement dit, pourquoi nous soumettre un projet de loi qui nous dit que nous n'avons aucun pouvoir? Je ne vois pas de raison, à moins que le gouvernement n'essaie de créer un précédent. Si c'est le cas, quel est ce précédent?
Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, ce projet de loi est une déclaration officielle et solennelle, sous forme législative. Cette déclaration est plus solennelle qu'une résolution d'une Chambre ou l'autre, ou encore des deux, disant ce que nous ferions si la situation se présentait. C'est une déclaration qui prend la forme d'une loi. C'est pourquoi elle nous est renvoyée. Si le gouvernement du Canada en avait ainsi décidé, il aurait pu simplement traduire sa décision en une résolution des Communes. Il n'aurait pas eu à nous consulter. Dans ce cas-ci, il nous consulte.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
Les travaux du Sénat
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, dans l'état actuel des choses, je ne crois pas que d'autres sénateurs veuillent débattre l'un ou l'autre des articles à l'ordre du jour. Nous devrions donc passer à la motion d'ajournement.Ajournement
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit jusqu'au mardi 4 avril 2000, à 14 heures.
(Le Sénat s'ajourne au mardi 4 avril 2000, à 14 heures.)